Carta anterior: 125

Guy de Maupassant

Carta 126
A GUSTAVE FLAUBERT
(original en francés)

Gustave Flaubert  Carta Siguiente: 127

 

GABINETE DEL MINISTRO DE INSTRUCCIÓN PÚBLICA
DE LOS CULTOS Y DE LAS BELLAS ARTES

Paris, 26 de febrero de 1879

      Mi querido Maestro,
      He podido ver por fin a Baudry. Hemos charlado mucho tiempo y voy a contarle mis impresiones; pero le ruego que guarde siempre el secreto porque Baudry no me perdonaría el que yo le contara una conversación casi confidencial.
      He puesto cara de no saber nada y de estar muy extrañado por la lectura del Figaro que contaba el asunto Gambetta. Como usted no puede escribir, no ha podido contarme nada y no he recibido después de seis semanas más que pequeños informes de su salud de la mano de Laporte. Me ha parecido  irritado contra usted puesto que me ha dicho tras haber vacilado mucho tiempo: « He estado muy asombrado y afligido de ver a Fluabert tratar de alcanzar una plaza que yo esperaba y que perseguía desde hace 20 años. He pasado mi vida trabajando para llegar a ella, es mi única carrera y mi último objetivo y me habría sido muy doloroso ver a un amigo suplantarme. »
      Yo le he respondido que unos amigos de usted habían sin duda tratado de convencerle para aceptar una biblioteca cualquiera, pero no un puesto determinado como el del que se hablaba. Me ha dicho que estaba persuadido;.y que no quería ahí dentro más que a Tourgueneffe y a Taine que habían sido utilizados por usted en este asunto. Ha añadido: «Lo que me aflige más sería que se concediese a Flaubert la plaza vacante bajo mis ordenes, porque mi conciencia me obligaría a exigirle el mismo trabajo que los otros bibliotecarios y si rehusase estaría obligado a dar cuenta al Ministro. »  Le he dicho que me parecía que estaba totalmente equivocado; que era justo y necesario exigir de un bibliotecario ordinario, que es una especie de empleado de un negociado, el mismo trabajo que en los ministerios, pero que, el ofrecimiento de plazas a los grandes hombres como usted, era una especie de homenaje nacional, una prueba de reconocimiento gubernamental para un gran artista, una pensión del mismo género de las que daban antaño a los príncipes. Y que no había comparación posible con un escriba que acepta un puesto público o el burócrata que lo ha perseguido toda la vida. El ha entendido y se ha callado.
      Esta hinchado de orgullo de ser administrador y no quiere ser un empleado inferior.
      He aquí ahora como, a mi parecer, los hechos han sucedido.
      La señora Charpentier, una cabeza de pájaro, ha hablado a Gambetta en mitad de una cena que ella le ofrecía. Por política le ha prometido y  quizás en otras circunstancias, habría hecho alguna otra cosa. En el momento de la marcha de Bardoux, antes de la muerte del señor de Sacy, Baudrie era nombrado - yo ví el decreto - es entonces (demasiado tarde) que se ocupan de usted - la cosa ha sido hecha bastante irregularmente y Tourgueneff no habría debido ir a encontrarse con Gambetta sin ser informado al ministerio de como estaba el asunto y de lo se podía intentar. Baudry se ha sentido amenazado, y se movió, y el padre Senar ha ido a buscar a Gambetta y a Grévy para asegurar la plaza a su yerno. Cuando Tourguenefffe se encontró con Gambetta, en ese momento decidido por Sénard,  ha respondido:  «Pero usted sabe bien que no puedo » sin incluso hablar a Tourgueneffe que, con la autoridad de su gran talento, de su cabeza blanca y de su talla habría debido, en pleno salón, tacharle de grosero- Cuando charlemos yo le contaré más extensamente. No he escrito antes porque no había visto a Baudrei y además porque, de mañana a tarde no disponía de un minuto.
      Mi obra tiene un buen éxito: mejor incluso de lo que yo esperaba. Lapommeraye, Banville, Caretie, han estado encantadores: Le Petit journal muy bien, El Gaulois amable, Daudet perfido. Ha dicho:  «El señor de Maupassant ha recreado la escena, sin dudar, de Les Roses jaunes de Alphonse Karr. Nadie sin duda ha olvidado el tema, helo aquí.» Luego hace un análisis de Las Roses jaunes ( que yo no conocía en absoluto) de modo que exista un parecido absoluto con mi obra, mientras que después de las informaciones que yo he podido recabar, las diferencias entre los dos temas son muy sensibles. Termina con algunos palabras de elogio. Zola vino a estrecharme la mano después del Éxito. Zola y su mujer han aplaudido mucho y me han felicitado ostensiblemente más tarde. De los demás periódicos en los que  se ha hablado con elogio, no he podido todavía conseguirlos. La señora Pasca va a comerse el mundo,
      Adiós mi querido maestro, le abrazo muy fuerte y tengo muchas ganas de verlo.
      Suyo

      GUY DE MAUPASSANT1

      1 Cf. réponse de Flaubert, Correspondance (ed. Conard, tome VIII, N° 1817).

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A GUSTAVE FLAUBERT

 CABINET DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
DES CULTES ET DES BEAUX-ARTS

Paris, le 26 février 1879.

      Mon cher Maître,
      J'ai pu enfin voir Baudry. Nous avons causé longtemps et je vais vous dire mes impressions ; mais je vous prie de les garder toujours secrètes parce que Baudry ne me pardonnerait pas de vous avoir rapporté une conversation presque confidentielle.
      J'ai eu l'air de ne rien savoir et d'avoir été fort étonné par la lecture du Figaro qui racontait l'affaire Gambetta. Comme vous ne pouvez pas écrire vous n'avez pu me rien raconter et je n'ai reçu depuis six semaines que de courts bulletins de votre santé de la main de Laporte. Il m'a eu l'air irrité contre vous voici ce qu'il m'a dit après avoir longtemps hésité. « J'ai été fort étonné et affligé de voir Flaubert essayer de m'enlever une place que j'attends et que je poursuis depuis 20 ans. J'ai passé ma vie à travailler pour arriver là, c'est ma seule carrière et mon dernier but et il m'aurait été fort douloureux de voir un ami me supplanter. »
      Je lui ai répondu que des amis à vous avaient sans doute essayé de vous décider à accepter une bibliothèque quelconque, mais pas un poste déterminé comme celui dont il s'agissait. Il m'a dit qu'il en était persuadé ? ; et qu'il n'en voulait là-dedans qu'à Tourgueneff et à Taine qui s'était vivement employé pour vous en cette affaire. Il a ajouté : « Ce qui me désolerait le plus ce serait qu'on donnât à Flaubert la place vacante sous mes ordres, parce que ma conscience me forcerait à exiger de lui le même travail que des autres bibliothécaires et s'il s'y refusait je serais obligé d'en rendre compte au Ministre. » Je lui ai dit que je trouvais qu'il avait absolument tort ; qu'il était juste et nécessaire d'exiger d'un bibliothécaire ordinaire qui est une sorte d'employé de bureau le même travail que dans les ministères, mais que, lorsqu'on offrait des places à des hommes comme vous, c'était une sorte d'hommage national, une preuve de reconnaissance du gouvernement pour un grand artiste, une pension dans le genre de celles que donnaient autrefois les princes. Et qu'il n'y avait aucune assimilation possible entre un écrivain qui accepte un poste public et le bureaucrate qui l'a poursuivi toute sa vie. Il a compris et c'en est resté là.
      Il est gonflé d'orgueil d'être administrateur et je ne voudrais pas être employé sous lui.
      Voici maintenant comment, à mon avis, les faits se sont passés.
      Mme Charpentier, une tête d'oiseau, a parlé à Gambetta au milieu d'un dîner qu'elle lui offrait. Lui par politesse a tout promis et aurait peut-être, en d'autres circonstances, fait quelque chose. Au moment du départ de Bardoux, avant la mort de M. de Sacy, Baudry était nommé - j'ai vu le décret - c'est alors (trop tard) qu'on s'est occupé de vous - la chose a été faite assez maladroitement et Tourgueneff n'aurait pas dû aller trouver Gambetta sans s'être informé au ministère du point où en était l'affaire et de ce qu'on pouvait tenter. Baudry s'est senti menacé, il s'est remué, et le père Sénard a été trouver et Gambetta et Grévy pour assurer la place à son gendre. Quand Tourgueneff a été trouver Gambetta, celui-ci décidé par Sénard a répondu : « Mais vous savez bien que je ne peux pas » sans même parler à Tourgueneff qui, avec l'autorité de son grand talent, de sa tête blanche et de sa taille aurait bien dû, en plein salon, le traiter de parvenu grossier - Quand nous causerons je vous en parlerai plus longuement. Je ne vous ai point écrit plus tôt d'abord parce que je n'avais point vu Baudry et ensuite parce que, du matin au soir je ne disposais pas d'une minute.
      Ma pièce a bien réussi : mieux même que je n'aurais espéré. Lapommeraye, Banville, Claretie, ont été charmants. Le Petit journal très bon, Le Gaulois aimable, Daudet perfide. Il a dit : « M. de M. a remis à la scène, sans s'en douter, Les Roses jaunes de Alphonse Karr. Personne sans doute n'a oublié le sujet, le voici. » Puis il fait l'analyse des Roses jaunes (que je ne connaissais nullement) de façon à ce que cela ait une ressemblance absolue avec ma pièce, tandis que d'après les renseignements que j'ai pris les différences entre les deux sujets sont très sensibles. II termine par quelques mots d'éloge. Zola n'a rien dit. J'espère que c'est pour lundi. Du reste sa bande me lâche ne me trouvant pas assez naturaliste. Aucun d'eux n'est venu me serrer la main après le Succès. Zola et sa femme ont applaudi beaucoup et m'ont vivement félicité plus tard. D'autres journaux en ont parlé avec éloge, je n'ai pu encore me les procurer. Mme Pasca va la jouer dans le monde.
      Adieu mon cher Maître, je vous embrasse bien fort et j'ai grande envie de vous voir.

Votre
GUY DE MAUPASSANT1

1 Cf. réponse de Flaubert, Correspondance (ed. Conard, tome VIII, N° 1817).

  Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/