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Laure de Maupassant

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DE LAURE DE MAUPASSANT
A GUSTAVE FLAUBERT

(original en francés)

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      Hace falta, mi querido amigo, que yo te estreche las manos. Felicidades, esto se llama hablar, y decir a las personas las verdades en la cara. Lo que has hecho es bello y valiente, y nuestro pobre Bouilhet, desconocido hasta el insulto por esta tropa de alimañas estúpidas y hermosamente vengado por tu pluma.  ¡Qué distribución, Dios mío! ¡Hay para todo el mundo! Vamos pues; tomad, atrapad, echad a cada uno lo suyo. Doblad el espinazo, el peso es grande y  tenéis mucho que hacer, no llegaréis nunca a superarlo...
      Yo aplaudo, mi buen amigo, aplaudo con todo mi corazón y todas mis fuerzas.
      Guy está todavía aquí, cerca de mí y juntos hemos leido esta carta tan elocuente, tan indignada, tan irónica. Nos has hecho pasar unos buenos momentos en nuestra soledad dónde las distracciones son raras, sobre todo las distracciones de esta índole. Mi hijo quería escribirte, pero yo he hecho valer mi derecho, y te envío todos sus cumplidos con los míos. Nos hemos acostumbrado a estar con nuestros amigos por la noche al amor de la lumbre, y tu nombre siempre aparece, como es de justicia. Guy me cuenta la última visita que te ha hecho en París y me hace pasar por todas las impresiones que ha sentido haciéndote leer las últimas poesías del pobre Louis Bouilhet. Me asegura que tú le consultas a veces, y él se siente orgulloso, se siente engrandecido, y yo, yo te agradezco esto que haces, por todo lo que significas para este muchacho. Siento que no estoy sola con mis recuerdos de tiempos pasados, de esos buenos tiempos donde nuestras dos familias no eran más que una, por así decirlo. Cuando miro hacia atrás y evoco todo esto que no volverá, se produce en mis ojos un extraño efecto de perspectiva. Es la lejanía que viene ante mí, que toco con el dedo, y es el presente que se apaga pálido. Nada puede hacer olvidar esos felices años de infancia y de juventud. Tú deseas noticias de mi salud. Estas novedades son casi siempre las mismas. No estoy precisamente enferma; me siento con frecuencia espantosamente débil. Hay unos instantes donde mi cabeza está como rota y donde me pregunto positivamente si velo o sueño. Esta impresión es corta; pero es penosa, constituye un verdadero desamparo.
      Mientras tanto, nuestro invierno aquí no está pasando demasiado mal. El tiempo ha sido suave, a menudo bueno, y las flores no han desparecido de mi jardín. MIs dos hijos están conmigo, son excelentes muchachos y me procuran la mejor vida posible. Hervé trabaja y se convierte en un hombre. Creo que no tardará demasiado, a pesar del tiempo perdido. Sería injusta si no te dijese una palabra del valiente escolar que, él también, ha leído y releído la famosa carta, y ha sabido apreciarla muy bien. Dice que un campesino puede disfrutar de los placeres del espíritu, sembrando su trigo, sus coles y sus lechugas. No estoy muy lejos de darle la razón, y le veo, sin malestar ninguno, que dedique su vida a trabajar en los campos. Guy tendrá quizás más complicado encontrar el camino que le conviene.
      Di a tu querida madre que la quiero y que pienso a menudo en ella. Seré muy feliz de tener noticias suyas y tuyas, y si dispones de un pequeño instante para escribirme, sería verdaderamente una buena acción. Sé que estas tan ocupado que no me atrevo a pedírtelo. No hemos leído en los periódicos si las poesías de Louis Bouilhet y Mlle. Aïssé1 serán publicadas pronto. Estamos impacientes de tener en nuestras manos estas últimas obras legadas por nuestro amigo, y nos gustaría solicitarlas de inmediato. Si me escribes unas palabras, dime, te lo ruego, dónde y cuando se podrán tener estos libros. Adiós, mi buen y viejo amigo, te abrazo al igual que a tu madre, y quedo a vuestra disposición ahora y siempre. Respetos, cumplidos y cariños de parte de mis hijos.

      LE. P. DE M.

      1 Comedia de Bouilhet

  Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


DE LAURE DE MAUPASSANT
A GUSTAVE FLAUBERT

      

          Étretat, le 29 janvier 1872.

      Il faut, mon cher camarade, que je vienne te serrer les mains. A la bonne heure, cela s'appelle parler, et dire aux gens leurs vérités, bien en face. Ce que tu as fait est beau et brave, et notre pauvre Bouilhet, méconnu jusqu'à l'insulte par cette troupe d'oisons stupides est joliment vengé par ta plume. Quelle distribution, bon Dieu ! Il y en a pour tout le monde ! Allez donc, vous autres ; prenez, attrape, ramasse, à chacun sa part. Courbez l'échine, le poids est lourd et vous avec beau faire, vous ne parviendrez jamais à vous relever...
      J'applaudis, mon bon ami, j'applaudis de tout mon cœur et de toutes mes forces.
      Guy est encore ici, près de moi et c'est ensemble que vous avons lu cette lettre si éloquente, si indignée, si railleuse. Tu nous as fait passer de bons moments dans notre solitude où les distractions sont rares, surtout les distractions de cette qualité. Mon fils voulait t'écrire, j'ai fait valoir mon droit, et je t'apporte tous ses compliments avec tous les miens. Nous avons, du reste, pris l'habitude de causer de nos amis le soir au coin du feu, et ton nom revient toujours, comme c'est justice. Guy me raconte la dernière visite q'il t'a faite à Paris et me fait passer par toutes les impressions qu'il a ressenties en t'entendant lire les dernières poésies du pauvre Louis Bouilhet. Il m'assure que tu le consultais parfois, il en était tout fier, il se sentait grandi, et moi, je te remercie de ce que tu as fait, de ce que tu es pour ce garçon. Je sens que je ne suis pas seule à me souvenir du temps passé, de ce bon temps où nos deux familles n'en faisaient qu'une, pour ainsi dire. Quand je regarde en arrière et que j'évoque tout ce qui n'est plus, il se produit à mes yeux un étrange effet de perspective. C'est le lointain qui vient en avant, que je touche du doigt, et c'est le présent qui s'efface et pâlit. Rien ne peut donc les faire oublier ces heureuses années d'enfance et de jeunesse. Tu veux des nouvelles de ma santé. Ces nouvelles sont toujours à peu près les mêmes. Je ne suis pas précisément malade ; je me sens excessivement, effroyablement faible. Il y a des instants où ma tête est comme brisée et où je me demande positivement si je veille ou si je rêve. Cette impression est courte ; mais très pénible, c'est une véritable détresse.
      Pourtant, notre hiver, ici, ne s'est pas trop mal passé. Le temps a été fort doux, souvent beau, et les fleurs n'ont pas disparu de mon jardin. Mes deux fils sont avec moi, ils sont excellents garçons et me rendent la vie bonne autant qu'il est possible. Hervé travaille et devient un homme. Je crois qu'il ne sera pas trop en retard, malgré le temps perdu. Je serais injuste si je ne te disais pas un mot du brave écolier qui, lui aussi, a lu et relu la fameuse lettre, et a su très bien l'apprécier. Il dit du reste qu'un campagnard peut goûter aux plaisirs de l'esprit, tout en faisant pousser son blé, ses choux et ses salades. Je ne suis pas éloignée de trouver qu'il a raison, et je le vois, sans répugnance aucune, arranger sa vie pour rester aux champs. Guy aura peut-être bien plus de mal à trouver la route qui lui convient.
       Dis à ta chère mère que je l'aime et que je pense bien souvent à elle. Je serais très heureuse d'avoir de ses nouvelles et des tiennes, et si tu avais un tout petit instant pour m'écrire ce serait vraiment une bonne action. Je te sais si occupé que je n'ose trop te le demander. Nous ne voyons pas dans les journaux si les poésies de Louis Bouilhet et Mlle Aïssé1 seront bientôt publiées. Nous sommes bien impatients de tenir dans nos mains ces dernières œuvres léguées par notre ami, et nous voudrions les faire venir de suite. Si tu m'écris un mot, dis-moi, je t'en prie, où et quand on pourra avoir ces livres. Adieu, mon bon et vieil ami, je t'embrasse ainsi que ta mère, et suis bien à vous deux, maintenant et toujours. Respects, compliments et amitiés de la part de mes fils.

      LE P. DE M.

      1 Comédie de Bouilhet

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