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Étretat, 19 de febrero de 1873
Mi querido compañero,
Oigo hablar de ti tan a menudo que necesito dar señales de
vida a mi regreso, y vengo a darte las gracias con toda mi
alma y mi corazón. Guy está tan feliz de ir a tu casa todos los domingos,
de estar allí durante largas horas, de ser tratado con esa familiaridad tan
halagadora y tan dulce, que todas sus cartas no hacen más que contar una y
otra vez lo mismo. El querido muchacho me cuenta su vida a día a día; me habla
de todos nuestros amigos con los qué se encuentra en París, y de las
distracciones que va teniendo en su camino; después, invariablemente, el
capítulo finaliza así: « pero la casa que más me atrae, dónde más disfruto
que en cualquier otro lugar, a dónde vuelvo sin cesar, es la casa del señor
Flaubert.» Y yo me guardo bien de encontrar esto monótono. No sabría decir,
por el contrario, cuanto placer me produce el leer esas líneas que no varían un poco más que en la forma, y ver a mi hijo acogido de
ese modo en la casa
del mejor de mis viejos amigos.¿No es cierto de algún modo que yo soy
responsable de ese gran favor? ¿No es
acaso que el joven te trae mil recuerdos de este querido pasado donde nuestro
pobre Alfred tenía su lugar? El sobrino se parece al tío, tú me lo has dicho
en Ruán, y veo, no sin orgullo maternal, que un examen más íntimo no destruye
esa ilusión. Su quieres alegrarme, encontrarás algunos minutos
para darme tu mismo tus noticias. Es tan bueno ver que no estás olvidada,
sentir que la soledad no te aísla de hecho, y que ella no podrá vencer a la
verdadera amistad. Y luego, me hablarás de mi hijo, me dirás si has leído
algunos de sus poemas, y si piensas que tiene alguna otra cosa más que
facilidad. Sabes cuanta confianza tengo en tí; creeré todo lo que tu creas y
seguiré tus consejos. Si tu dices sí, alentaremos al buen muchacho en el
género que prefiera; pero si tu dices no, lo enviaremos a hacer pelucas... o cualquier
cosa como esa... Habla pues francamente a tu vieja amiga.
Si quieres noticias de nuestra vida campestre,
alargaré un poco mi carta y añadiré una pequeña hoja de papel, para no verme
obligada a ser demasiado breve. Nuestro invierno está pasando muy bien, y
mi compañero el salvaje1 se encuentra en un estado soberbio. Va camino
de llegar a una altura de coracero, y le gusta desarrollar sus músculos con el
boxeo y el bastón. Los estudios no van todo lo bien que yo quisiera; mientras
tanto avanzamos. Plinio y Séneca, Horacio y Virgilio, no son más que cartas
cerradas para el joven escolar. La jardinería tiene su lugar también, como
ocio, y nos divertimos en este momento en construir un gran huerto, a media
cuarta de legua de nuestra casa, en el más bello valle del mundo. Nos sumergimos
en este trabajo con verdadera pasión. Encontrarás quizás que tengo unos
gustos muy vulgares, pero me gustan con locura los jardines con huerta. No me
parecen ni solemnes ni pretenciosos, son íntimos, y por poco que algunas
flores vengan a animarlos, los encuentro siempre encantadores. Nosotros
tendremos unas rosas al lado de unas manzanas y unas peras, unos rábanos y unas
violetas al lado de los nabos y de las coles. Y además, hay allí tanto sol que
como se quiera, una vista espléndida, y todos los ruidos del campo desde
el labrador hasta el insecto. Quedo en ese lugar horas enteras, trabajando,
paseándome, y sintiéndome feliz sobre todo por la alegría de mi joven
jardinero. Él tiene todo ordenado, todo diseñado por él mismo con mucho gusto
e ingenio, y parece mas orgulloso en ese momento que si hubiese escrito un poema
en doce cantos. A cada uno su vocación y son tan válidas la una como la
otra... Estamos aquí menos aislados de lo que podrías pensar, y tenemos
algunas personas con las que vernos. Nos reunimos al anochecer tres veces por
semana. Se escucha música, se juega a las cartas, se toma el té, y se come a
la fuerza pasteles que las muchachas cocinan a cada cual mejor. Tenemos por
vecinos a dos viejos artistas cuyos nombres no te son desconocidos, es la pareja
Dorus-Gras, quienes conservan preciosamente el culto a las bellas artes. Pasamos
revista a todas las obras maestras de la gran música. Ayer a la noche, era la
Sinfonía Pastoral, con sus cantos de pájaros, sus ruidos de tormenta y sus
ventiscas; mañana, será la overtura del joven Henri, con sus fanfarrias, que
hacen pasar ante los ojos una caza entera. Mozart, Beethoven, Haydn, Rossini,
Auber, todos los grandes maestros vienen a contribuir a nuestras diversiones. La
poesía tampoco se olvida. Se lee, se habla, y el tiempo se va casi sin darnos
cuenta. Puedes ver que para unos reclusos como nosotros, no estamos todavía demasiado mal
repartidos.
Me parece que he sido bastante charlatana, mi
buen y querido amigo, y tengo miedo de que tú pienses lo mismo. Adiós
entonces, te abrazo muy cordialmente y Hervé te envía sus saludos. Cuando veas
a Caroline, háblale de mí y da saludos a su marido.
Tuya,
LE P. DE MAUPASSANT2
1 Hervé de
Maupassant.
2 Respuesta de Flaubert, Correspondance
(éd. Conard, tomo VII, 1930, N° 1363).
Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant
Mon cher camarade,
J'entends parler de toi si souvent qu'il me faut,
à mon tour, donner signe de vie, et que je viens te dire merci, de toute mon
âme et de tout mon cœur. Guy est si heureux d'aller chef toi tous les
dimanches, d'être retenu pendant de longues heures, d'être traité avec cette
familiarité si flatteuse et si douce, que toutes ses lettres disent et redisent
la même chose. Le cher garçon me raconte sa vie de chaque jour ; il me parle
de ceux de nos amis qu'il retrouve à Paris, et des distractions qu'il rencontre
sur son chemin ; puis, invariablement, le chapitre finit ainsi : « mais la
maison gui m'attire le plus, celle où je me plais mieux qu'ailleurs, celle où
je retourne sans cesse, c'est la maison de Monsieur Flaubert. » Et moi, je me
garde bien de trouver cela monotone. Je ne saurais dire, au contraire, combien
j'ai de plaisir à lire ces lignes, qui ne changent un peu que dans la forme, et
à voir mon fils accueilli de la sorte chez le meilleur de mes vieux amis.
N'est-ce pas que je suis bien pour quelque chose dans toute cette bonne grâce ?
N'est-ce pas que le jeune homme te rappelle mille souvenirs de ce cher passé
où notre pauvre Alfred tenait si bien sa place ? Le neveu ressemble à l'oncle,
tu me l'as dit à Rouen, et je vois, non sans orgueil maternel qu'un examen plus
intime n'a pas détruit toute l'illusion. Si tu voulais me faire bien plaisir,
tu trouverais quelques minutes pour me donner toi-même de tes nouvelles. C'est
si bon de voir que l'on n'est point oublié, de sentir que la solitude ne vous
isole pas tout à fait, et qu'elle ne saurait toucher à la véritable amitié.
Et puis, tu me parlerais de mon fils, tu me dirais s'il t'a lu quelques-uns de
ses vers, et si tu penses qu'il y ait là autre chose que de la facilité. Tu
sais combien j'ai confiance en toi ; je croirai ce que tu croiras et je suivrai
tes conseils. Si tu dis oui, nous encouragerons le bon garçon dans la voie
qu'il préfère ; mais si tu dis non, nous l'enverrons faire des perruques... ou
quelque chose comme cela... Parle donc bien franchement à ta vieille amie.
Si tu veux à présent des nouvelles de notre vie
campagnarde, j'allongerai un peu ma lettre et je remettrai une petite feuille de
papier, pour n'être point forcée d'être trop brève. Notre hiver s'est assez
bien passé, et mon compagnon le sauvage1 est dans un état superbe. Il promet
d'arriver à une taille de cuirassier, et se plaît à développer ses muscles
avec la boxe, la savate et la canne. Les études ne marchent pas tout à fait
d'une allure aussi vive ; cependant, nous avançons. Pline et Sénèque, Horace
et Virgile, ne sont plus du tout lettres closes pour le jeune écolier. Le
jardinage a son tour aussi, comme récréation, et nous nous amusons en ce
moment à créer un grand potager, à un demi-quart de lieue de chef nous, dans
la plus belle vallée du monde. Nous nous livrons à ce travail avec une
véritable passion. Tu trouveras peut-être que j'ai des goûts très vulgaires,
mais j'aime à la folie les jardins potagers. Ils ne me paraissent ni solennels,
ni prétentieux, ils sont intimes, et pour peu que quelques fleurs viennent les
animer, je les trouve tout à fait charmants. Nous aurons donc des roses à
côté des pommes et des poires, des ravenelles et des violettes à côté des
navets et des choux. Et puis, il y a là du soleil autant qu'on en veut, une vue
splendide, et tous les bruits de la campagne, depuis le laboureur jusqu'à
l'insecte. ,Je reste en ce lieu des heures entières, travaillant, me promenant,
et me sentant heureuse surtout de la joie de mon jeune jardinier. Il a tout
ordonné, tout dessiné lui-même avec beaucoup de goût et d'adresse, et
paraît plus fier à l'heure qu'il est que s'il avait écrit un poème en douze
chants. A chacun sa vocation et celle-là peut en valoir une autre... Nous
sommes ici moins isolés que tu ne pourrais penser, et nous avons quelques
personnes à voir. On se réunit le soir trois fois par semaine. On fait de la
musique, on joue aux cartes, on prend le thé, et on mange force gâteaux que
les jeunes filles confectionnent à qui mieux mieux. Nous avons pour voisins
deux vieux artistes dont le nom ne t'est certainement pas inconnu, c'est le
ménage Dorus-Gras, qui a précieusement gardé le culte des beaux-arts. Nous
passons donc en revue tous les chefs-d'œuvre de la grande musique. Hier au soir,
c'était la Symphonie pastorale, avec ses chants d'oiseaux, ses bruits d'orage
et ses chalumeaux ; demain, ce sera l'ouverture du jeune Henri, avec ses
fanfares, qui font passer devant vos yeux une chasse tout entière. Mozart,
Beethoven, Haydn, Rossini, Auber, tous les grands maîtres viennent contribuer
à nos jouissances. La poésie n'est point oubliée non plus. On lit, on cause,
et le temps s'en va presque sans qu'on y songe. Tu vois que pour des reclus,
nous ne sommes point encore trop mal partagés.
Il me semble que j'ai été bien bavarde, mon bon
et cher ami, et j'ai grand peur que tu ne sois de mon avis. Adieu donc, je
t'embrasse bien cordialement et Hervé t'envoie tous ses compliments. Quand tu
verras Caroline, parle-lui de moi, et offre mes souvenirs à son mari.
A toi
LE P. DE MAUPASSANT2
1 Hervé de Maupassant.
2 Cf. réponse de Flaubert, Correspondance (éd.
Conard, tome VII, 1930, N° 1363).
Puesto en formato html por Thierry Selva: http://maupassant.free.fr/