Carta anterior: 163

Guy de Maupassant

Carta 164
A GUSTAVE FLAUBERT
(original en francés)

Gustave Flaubert Carta Siguiente: 165

MINISTERIO DE INSTRUCCIÓN PÚBLICA
Y DE LAS BELLAS ARTES
SECRETARIADO
1º NEGOCIADO

Sábado, medianoche [14 de febrero de 1880]

      Mi querido Maestro,
      Sus libros de la editorial Hachette han debido partir hoy. Los míos esperarán todavía un día; porque no encuentro dos volúmenes de Spencer que he debido prestar, y hace falta que les ponga la mano encima. Después de mi asunto me he tomado todo mi tiempo. He tomado las cartas de la señora Sand, creyendo que usted me encargaría remitírselas; se las daré en mano. He enviado su carta a Charpentier para el volumen que usted le solicita.
      Llego a mi asunto. Estoy decididamente perseguido por ¡¡¡ ultraje a las costumbres y la a moral pública !!!! Y ello debido a Au bord de L'Eau. Llego de Étampes, donde he padecido un largo interrogatorio en el juzgado de instrucción. Ese juez ha sido, por lo demás, muy educado, y yo no creo haber sido torpe. Estoy acusado, aunque creo que se duda en proseguir el asunto, porque se ve que me defenderé como un poseso. No por mi  (conozco mis derechos civiles), sino por mi poema, en nombre de Dios. Lo defenderé cueste lo que cueste, hasta el final, y no consentiré nunca en renunciar a su publicación.
      Ahora mi ministerio me inquieta, y empleo todos los medios imaginables para conseguir una orden de sobreseimiento. Al XIXe Siécle ha seguido el Événement; este último periódico continúa la campaña, y quiere golpearme, y yo voy a pedirle a usted un gran favor, rogándole que me perdone perturbar su tiempo y su trabajo por un tan estúpido asunto. Tendría necesidad de una carta de usted dirigida a mí, larga, reconfortante, paternal y filosófica, con unas ideas elevadas sobre el valor moral de los procesos literarios, equiparándose a los Germiny1 cuando se condenado, o a veces os condecoran cuando se está absuelto. Haría falta su opinión sobre mi obra Au bord de l'Eau, desde el punto de vista literario y desde el punto de vista moral (la moralidad artística no es más que la Belleza) y unas simpatías. Mi abogado, un amigo, me ha dado este consejo que yo creo excelente. He aquí la razón:
      Esta carta sería publicada por Le Gaulois en un artículo sobre mi proceso. Ella constituiría al mismo tiempo una pieza para apoyar la defensa y un argumento sobre el cual estaría basada toda la argumentación de mi abogado. Su excepcional situación, única, de hombre de genio perseguido por una obra maestra, absuelto penosamente y después glorificado, y definitivamente clasificado como un maestro irreprochable, aceptado como tal por todas las escuelas, me aportaría tal seguridad que mi abogado piensa que el asunto estaría inmediatamente resuelto incluso después de la publicación de su carta. Haría falta que apareciese enseguida, para que pareciese un consuelo inmediato enviado por el Maestro al Discípulo.
      Ahora bien, si esto le molesta en lo mínimo, por no importa que razón, no hablemos más.
      Usted podrá recordar que remitió mi obra al señor Bardoux pidiéndole que me tomara junto a él. Perdón todavía, mi querido Maestro, por esta bochornosa faena, pero ¿que quiere usted? Estoy solo para defenderme, amenazados mis medios de existencia, sin apoyo en mi familia ni en mis relaciones y sin la posibilidad de cubrir de oro a un gran abogado. Tengo mi obra poética y jamás la abandonaré - la literatura ante todo.
      Cuando yo le pido una larga carta, quiero decir dos o tres páginas de sus papeles para correspondencia: únicamente para interesar a la prensa en mi favor y además hacerla divulgar. Voy a ir a todos los periódicos donde tengo amigos.
      Un cordial abrazo, mi querido Maestro, pidiéndole aún perdón.
      Suyo filialmente. 

      GUY DE MAUPASSANT

      Si le molesta que su prosa se publique en un periódico, no me envíe nada. Mi carta es bastante puñetera, que se le va a hacer2

1 Individuo perseguido por atentar contra el pudor.
2 Cf. Flaubert. Correspondance (ed. Conard, tomo VIII, N1 1955)

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A GUSTAVE FLAUBERT

MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
ET DES BEAUX-ARTS
SECRÉTARIAT
1er BUREAU 

Samedi, minuit [14 février 1880.]

      Mon bien cher Maître,
Vos livres de la maison Hachette ont dû partir aujourd'hui. Les miens attendront encore un jour ; parce que je ne retrouve pas deux volumes de Spencer que j'ai dû prêter, et il faut que je remette la main dessus. Puis mon affaire m'a pris tout mon temps. J'ai emporté les lettres de Mme Sand, croyant que vous me chargiez de les remettre ; je les remettrai en mains propres. J'ai envoyé votre lettre à Charpentier pour le volume que vous lui demandiez.
      J'arrive à mon affaire. Je suis décidément poursuivi pour outrages aux mœurs et à la morale publique !!! Et cela à cause de Au bord de l'Eau. J'arrive d'Étampes, où j'ai subi un long interrogatoire du juge d'instruction. Ce magistrat a été du reste fort poli, et moi je ne crois pas avoir été maladroit. Je suis accusé, mais je crois qu'on hésite à pousser l'affaire, parce qu'on voit que je me défendrai comme un enragé. Non à cause de moi (je me fous de mes droits civils), mais à cause de mon poème, nom de Dieu. Je le défendrai coûte que coûte, jusqu'au bout, et ne consentirai jamais à renoncer à la publication !
      Maintenant mon ministère m'inquiète, et j'emploie tous les moyens imaginables pour faire rendre une ordonnance de non-lieu. Le XIXe Siècle a suivi L'Événement ; ce dernier journal continue la campagne, mais il me faudrait frapper un coup, et je viens vous demander un grand service en vous priant de me pardonner de vous prendre votre temps et votre travail pour une si stupide affaire. J'aurais besoin d'une lettre de vous à moi, longue, réconfortante, paternelle et philosophique, avec des idées hautes sur la valeur morale des procès littéraires, qui vous assimilent aux Germiny1 quand on est condamné, ou vous font parfois décorer quand on est acquitté. Il y faudrait votre opinion sur ma pièce Au bord de l'Eau, au point de vue littéraire et au point de vue moral (la moralité artistique n'est que le Beau) et des tendresses. Mon avocat, un ami, m'a donné ce conseil, que je crois excellent. Voici pourquoi :
      Cette lettre serait publiée par Le Gaulois dans un article sur mon procès. Elle deviendrait en même temps une pièce pour appuyer la défense et un argument sur lequel serait basée toute la plaidoirie de mon défenseur. Votre situation exceptionnelle, unique, d'homme de génie poursuivi pour un chef-d'œuvre, acquitté péniblement puis glorifié, et définitivement classé comme un maître irréprochable, accepté comme tel par toutes les écoles, m'apporterait un tel secours que mon avocat pense que l'affaire serait immédiatement étouffée après la seule publication de votre lettre. Il faudrait que ce morceau parût tout de suite, pour bien sembler une consolation immédiate envoyée par le Maître au Disciple.
      Maintenant, si cela vous déplaisait le moins du monde, pour n'importe quelle raison, n'en parlons plus.
      Vous pourriez rappeler que vous avez remis mon œuvre à M. Bardoux en lui demandant de me prendre auprès de lui. Pardon encore, mon bien cher Maître, de cette lourde corvée, mais que voulez-vous ? Je suis seul pour me défendre, menacé dans mes moyens d'existence, sans appui dans ma famille ni dans mes relations et sans la possibilité de couvrir d'or un grand avocat. Je tiens à ma pièce de vers et je ne la lâcherai pas - la littérature avant tout.
      Quand je vous demande une longue lettre, je veux dire deux ou trois pages de votre papier à lettres : seulement pour intéresser la presse en ma faveur et la faire repartir là-dessus. Je vais intriguer auprès de tous les journaux, où j'ai des amis.
      Je vous embrasse bien tendrement, mon cher Maître, et je vous demande encore pardon.
      A vous filialement,

      GUY DE MAUPASSANT

      Si cela vous embêtait que votre prose allât dans un journal, ne m'envoyez rien. Ma lettre est bien mal foutue, tant pis2.

      1 Individu poursuivi pour attentat à la pudeur.
      2 Cf. Flaubert, Correspondance (éd. Conard, tome VIII, N° 1955).

  Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/