Carta anterior: 199

Guy de Maupassant

 Carta 200
A GISÈLE D'ESTOC
(original en francés)

Gisele d'Estoc Carta siguiente: 201

      [Enero 1881]

      Querida Señora,
      Usted desea que le dé detalles sobre mí. Está en un error, no le gustarán demasiado. Ya le he dicho que no estaba hecho para seducir a las mujeres, excepto a las que son únicamente sensuales y corruptas.
      En cuanto a las otras, tienen bastante de mí al cabo de quince días a lo sumo.
      Que quiere usted. Usted tiene todas las creencias, digamos todas las credulidades, y yo ni una. Soy el más desilusionante y desilusionado de los hombres; el menos sentimental y el menos poético. 
      Incluyo el amor entre las religiones, y las religiones entre las más grandes idioteces a las que ha sucumbido la humanidad.
      ¿Está escandalizada, Señora?
      Admiro perdidamente a Schopenhauer y su teoría del amor me parece la única aceptable. La naturaleza que quiere unos seres, ha puesto el cebo del sentimiento alrededor de la trampa de la reproducción.
      Perdone si esto que escribo es inconveniente, pero tanto peor. ¡Oh! sé que está indignada. Continúo:
      Cuando encuentro dos amantes, la estupidez de su error me irrita. «Te amo, te adoro, mi corazón, mi alma, mi vida, etc., etc. » Y todo esto únicamente porque son de un sexo diferente. No es más simple decir:  « Tengo todos los instintos de mi raza, de mi naturaleza y de mi cualidad de hombre. Entonces, me gusta la mujer, obedezco a una ley de mi cuerpo, a una ley que gobierna también a los animales: pero yo soy un ser superior a esas bestias, en lugar de hacer simplemente como ellas, busco, imagino, perfecciono todos los refinamientos sensuales. »
      Soy un corruptor de civilizaciones; y no lo oculto. Me gusta, adoro la belleza bajo todos sus aspectos. Tengo unos sentidos que busco agudizarlos sin cesar, soy un goloso entusiasta, un goloso solitario que como por comer, para sentir las exquisitas sensaciones de las comidas sanas, para percibir los diversos sabores, los ligeros aromas, los perfumes fugitivos de apreciar.
      Los sentimientos son sueños de los que las sensaciones son las realidades.
      ¿Cree usted que yo tengo el sentimiento de la naturaleza? Esto se debe, yo creo, a que soy un poco fauno.
      Sí, soy fauno y lo soy de la cabeza a los pies. Paso meses solo en el campo, de noche, sobre el agua, totalmente solo, toda la noche, el día, en los bosques o en las viñas, bajo el furioso sol y únicamente solo, todo el día.
      La melancolía de la tierra no me entristece nunca: soy una especie de instrumento de sensaciones que hacen resonar las auroras, los mediodías, los crepúsculos, las noches y otra cosa aún. Vivo solo, muy bien, durante semanas sin ninguna necesidad de afecto. Pero me gusta la carne de las mujeres, con el mismo amor que amo la hierba, los ríos, el mar.
      Le repito que soy un fauno. Puede venir tal vez de la exasperación donde me arroja la sociedad, las reuniones mundanas,  la mediocridad de las conversaciones, la monotonía de las costumbres, la falsedad de las actitudes.
      En un salón todos mis instintos sufren, todas mis ideas, todas mis sensibilidades, toda mi razón.
      Mis pensamientos naturales se oponen a la manera de ver, habitual, respetable y pública.
      Toda reunión de hombres me resulta odiosa. Un baile me produce tristeza durante ocho días. No he visto nunca una carrera de caballos, ni incluso una revista, ni una Fiesta Nacional. Tengo horror de todo lo que es soso, timorato, inexpresivo.
      También, Señora, preferiría no encontrarla en un baile de la Opera. En cuanto a Venecia, es la poesía; y usted sabe que a mí no me gusta mucho. ¿Y podemos vernos marchando para un país cualquiera, sin conocernos? ¿Que hacer? Si nos vamos nos desagradará soberanamente desde el primer minuto. Es posible después de todo.  Luego imagino que usted me conoce más de lo que me dice, que usted me hace posar; y sabe que me presto: y me pregunto siempre si no será algún amigo bromista. He gastado tantas bromas que pueden muy bien hacérmelas. Esto sería bueno; pero no temo en absoluto el ridículo, la opinión pública me resulta del todo indiferente. ¿Quiere que charlemos? Sea ¿Dónde? Elija. De entrada lléveme si le parece conveniente. Yo no llamaría « al socorro ». ¿Por qué no viene simplemente a mi casa el día y a la hora que a usted le convenga puesto que yo no puedo ir a su casa. Tengo un sillón mecánico para reducir las voluntades rebeldes. Muchas mujeres vienen a verme de las que jamás he abusado, puede creerme.
      Querrá usted aún, que yo la anime a pasar una tarde en un pequeño apartamento que poseo en el campo solitario. ¡En el campo! ¡En el mes de enero! sí, Señora, por que no.
     Espero su decisión.
     ¿Estará usted en la presentación de Nana? Yo que no voy nunca a los estrenos, asistiré a este1. Creo que será el jueves. En fin, Señora, ordene.
      Hábleme entonces un poco de usted, un poco mucho incluso. Esas curiosidades de mujeres son singulares. Porque quiere usted verme, yo me parezco a todo el mundo; y no soy hablador.
      Beso las yemas de sus dedos.

      GUY DE MAUPASSANT
      calle Dulong, 83

      Mi carta está llena de tachaduras. Es poco conveniente. Perdóneme, escribo muy rápido y no tengo tiempo de recopiarme.

      1 La obra adaptada de la novela de Zola fue representada en el Teatro de la Ambigu el 29 de enero de 1881

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A GISÈLE D'ESTOC 

[Janvier 1881.]

      Chère Madame,
      Vous désirez que je vous donne des détails sur moi. Vous avez tort, ils ne vous plairont guère. Je vous ai déjà dit que je n'étais point fait pour séduire les femmes, hormis celles qui sont uniquement des sensuelles et des corrompues.
      Quant aux autres, elles ont assez de moi au bout de quinze jours au plus.
      Que voulez-vous. Vous avez toutes les croyances, disons toutes les crédulités, et moi pas une. Je suis le plus désillusionnant et le plus désillusionné des hommes ; le moins sentimental et le moins poétique.
      Je range l'amour parmi les religions, et les religions parmi les plus grandes bêtises où soit tombée l'humanité.
      Vous êtes choquée, Madame ?
      J'admire éperdument Schopenhauer et sa théorie de l'amour me semble la seule acceptable. La nature qui veut des êtres, a mis l'appât du sentiment autour du piège de la reproduction.
      Pardon, ce que j'écris là est inconvenant, mais tant pis. Oh ! vous êtes indignée, je sais. Je continue :
      Quand je rencontre deux amants la stupidité de leur erreur m'irrite. « Je t'aime, je t'adore, mon cœur, mon âme, ma vie, etc., etc. » Et tout cela uniquement parce qu'ils sont d'un sexe différent. N'est-il pas plus simple de dire : « J'ai tous les instincts de ma race, de ma nature et de ma qualité d'homme. Donc, j'aime la femme, j'obéis à une loi de mon corps, à une loi qui gouverne aussi les bêtes : mais je suis un être supérieur à ces bêtes, au lieu de faire simplement comme elles, je cherche, j'imagine, je perfectionne tous les raffinements sensuels. »
      Je suis un corrompu des civilisations ; et je ne le cache pas. J'aime, j'adore la beauté sous tous ses aspects. J'ai des sens que je cherche sans cesse à aiguiser et tous, je suis un gourmand enthousiaste, un gourmand solitaire qui mange pour manger, pour sentir les exquises sensations des nourritures saines, pour percevoir les saveurs diverses, les arômes légers, les parfums fugitifs d'aimer.
      Les sentiments sont des rêves dont les sensations sont les réalités.
      Vous dites que j'ai le sentiment de la nature ? Cela tient je crois à ce que je suis un peu faune.
      Oui, je suis faune et je le suis de la tête aux pieds. Je passe des mois seul à la campagne, la nuit, sur l'eau, tout seul, toute la nuit, le jour, dans les bois ou dans les vignes, sous le soleil furieux et tout seul, tout le jour.
      La mélancolie de la terre ne m'attriste jamais : je suis une espèce d'instrument à sensations que font résonner les aurores, les midis, les crépuscules, les nuits et autre chose encore. Je vis seul, fort bien, pendant des semaines sans aucun besoin d'affection. Mais j'aime la chair des femmes, du même amour que j'aime l'herbe, les rivières, la mer.
      Je vous répète que je suis un faune. De là vient peut-être l'exaspération où me jette la société, les réunions du monde, la médiocrité des conversations, la laideur des costumes, la fausseté des attitudes.
      Dans un salon, je souffre dans tous mes instincts, dans toutes mes idées, dans toutes mes sensibilités, dans toute ma raison.
      Mes pensées naturelles choquent la manière de voir, reçue, habituelle, respectable et publique !
      Toute réunion d'hommes m'est odieuse. Un bal me donne de la tristesse pour huit jours. Je n'ai jamais vu une course de chevaux, ni même une revue, ni une Fête Nationale. J'ai horreur de tout ce qui est fade, timoré, inexpressif.
      Aussi, Madame, je préférerais ne point vous rencontrer dans un bal de l'Opéra ! Quant à Venise, c'est de la poésie ; et vous savez que je ne l'aime guère. Et puis nous voyez-vous partant pour un pays quelconque, sans nous connaître ? Pourquoi faire ? Si nous allions nous déplaire souverainement dès la première minute. C'est possible après tout ! Et puis j'imagine que vous me connaissez plus que vous ne dites, que vous me faites poser ; et vous voyez que je m'y prête : et je me demande toujours si vous n'êtes point quelque ami farceur ! J'ai fait tant de farces que l'on peut bien m'en faire. Celle-ci, du reste, serait bonne ; mais je ne crains nullement le ridicule, l'opinion publique m'étant totalement indifférente. Vous voulez que nous causions ? Soit. Où ? Choisissez. D'abord enlevez-moi si cela vous convient. Je n'appellerai pas « au secours ». Ensuite, pourquoi ne viendriez-vous pas tout simplement chez moi à l'heure et au jour qui vous conviendront puisque je ne puis aller chez vous. Je n'ai point de fauteuil mécanique pour triompher des volontés rebelles. Bien des femmes me viennent voir dont je n'ai jamais abusé, croyez-le.
      Voulez-vous encore que, moi, je vous enlève pour passer un après-midi dans un petit appartement que je possède à la campagne solitaire. A la campagne ! au mois de janvier ! oui, Madame, pourquoi pas.
      J'attends votre décision.
      Serez-vous à la première de Nana ? Moi qui ne vais jamais aux premières, j'assisterai à celle-là1. Ce sera, je crois jeudi. Enfin, Madame, ordonnez.
      Parlez-moi donc un peu de vous, un peu beaucoup même. Ces curiosités de femmes sont singulières. Pourquoi voulez-vous me voir, je ressemble à tout le monde ; et je ne suis pas un causeur.
      Je baise le bout de vos doigts.

      GUY DE MAUPASSANT
      83, rue Dulong.

      Ma lettre est pleine de ratures. C'est peu convenable. Excusez-moi, j'écris très vite et je n'ai pas le temps de me recopier.

      1 La pièce tirée du roman de Zola fut créée au Théâtre de l'Ambigu le 29 janvier 1881.

Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/