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Guy de Maupassant

 Carta 216
A GISÈLE D'ESTOC
(original en francés)

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 [1881]

      Mi bella amiga,
      ¿Está usted sorprendida de que yo vaya a ese baile? Estaría todavía más sorprendida si supiese verdaderamente lo que me ha decidido a asistir a ese divertimento que me horroriza.
      Por otra parte, si usted me ve allí se reiría. ¡ No se figura el rostro horrible, indignado, exasperado que tengo ahí dentro ! La muchedumbre me exaspera, su olor me repugna, su alegría me desagrada, su movimiento me llena de melancolía. Mi horror por la humanidad estalla en ese lugar, y tengo la garganta apretada como en el interior de un ómnibus, de frente a los caretos desesperantes de mis vecinos.
      Me dirá usted ¿por qué va entonces? Voy por abnegación, mi bella amiga. Esta es la razón. Uno de mis mejores compañeros tiene una singular aventura de amor de la que soy confidente. Ahora bien, hay, esa noche, una cita entre ellos en ese baile. Pero « se » teme que un marido feroz esté allí también. Y he prometido mi participación absoluta y mi servicio activo. Ese marido es un villano bruto al que yo doy la mano. Pero, es probable que a una hora de la mañana habremos marchado los tres. Después  iré a comer algunas ostras a casa de una mujer... de teatro que me ha invitado con tres amigos, luego me iré a acostar.
      Si usted no está antes de una hora, es probable que no me vea. Acabo de pasar toda la noche trabajando, tengo los nervios en tal estado de fatiga que tiemblo como durante una fiebre.
      Mil caricias.

     GUY

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A GISÈLE D'ESTOC 

     [1881.]

      Ma belle amie,
      Vous vous étonnez que j'aille à ce bal ? Vous seriez encore bien plus étonnée, si vous saviez véritablement ce qui m'a décidé à assister à ce divertissement dont j'ai horreur.
      Du reste, si vous m'y voyez, vous rirez bien. Vous ne vous figurez pas la tête horrible, indignée, exaspérée et lamentable que j'ai là dedans ! Le coudoiement de la foule m'exaspère, son odeur me répugne, sa gaieté me dégoûte, son mouvement m'emplit de mélancolie. Mon horreur pour l'humanité éclate en ce lieu, et j'ai la gorge serrée comme dans l'intérieur d'un omnibus, en face des binettes désespérantes de mes voisins.
      Vous me direz pourquoi y allez-vous ? J'y vais par dévouement, moi, ma belle amie. Voici le cas. Un de mes meilleurs camarades a une très singulière aventure d'amour dont je suis le confident. Or il y a, ce soir, un rendez-vous entre eux à ce bal. Mais « on » craint qu'un mari féroce n'y soit aussi. Et j'ai promis mon concours absolu, et ma surveillance active. Ce mari est du reste une très vilaine brute à qui je donne la main. Mais, il est probable qu'à une heure du matin nous serons partis tous les trois. Après quoi j'irai manger quelques huîtres chez une femme... de théâtre qui m'a invité avec trois amis, puis je rentrerai me coucher.
      Si donc vous n'êtes pas là avant une heure, il est probable que vous ne me verrez point. Je viens de passer toute la nuit à travailler, j'ai les nerfs dans un tel état de fatigue que je tremble comme pendant une fièvre.
      Mille caresses.

      GUY

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