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Guy de Maupassant

Carta 319 
A MARIE BASHKIRTSEFF
(Original en francés)

Marie Bashkirtseff  Carta siguiente: 320

Cannes, calle del Redan, nº 1
Marzo 1884

      Sí, señora, ¡una segunda carta!. Es asombroso. Abrigo quizás el vago deseo de decirle algunas impertinencias. Me está permitido puesto que no la conozco; pero no, le escribo porque me aburro abominablemente!
      Me reprocha usted el haber hecho la misma canción repetida con la anciana y los prusianos, pero todo es una vieja canción. No hago más que eso; no entiendo más que eso. Todas las ideas, todas las frases, todas las discusiones, todas las creencias son estribillos de la misma canción.
      ¿No es acaso una cantinela grande y pueril escribirle a una desconocida?
      Para resumir, interiormente soy un tonto. Usted me conoce más o menos. Sabe lo que hago y a quién se dirige; se dice esto o aquello sobre mi, bueno o malo: poco importa. Aun cuando usted no conozca a persona alguna entre mis relaciones que son amplias, usted ha leído artículos de periódicos sobre mí, mi retrato físico y retrato moral; en fín usted se divierte muy segura de lo que hace. ¿Pero y yo?
      ¿Puede usted ser, ciertamente, una joven mujer y encantadora con lo que me haría feliz, algún día, besar su mano?
      ¿Pero usted puede ser también una vieja portera embobada con novelas de Eugene Sue?
      ¿Puede usted ser una dama de compañía letrada, madura y seca como una escoba?
      Por cierto, ¿es usted delgada? No demasiado, ¿verdad? Estaría desolado teniendo una corresponsal flaca. Desconfío de todo con las desconocidas.
      He caído en trampas ridículas. Un pensionado de señoritas ha mantenido conmigo una correspondencia por la pluma de una maestra. Se pasaban mis respuestas de mano en mano durante las clases. La estratagema era divertida y me hizo reír cuando lo supe por la propia mujer.
      ¿Es usted una mundana? ¿Una sentimental? ¿O simplemente una novelera? O aún sencillamente una mujer que se aburre - y que se distrae. Pero, mire usted, yo no soy en absoluto el hombre que usted busca.
      No tengo ni un ápice de poesía. Tomo todo con indiferencia y paso los dos tercios de mi tiempo aburriéndome profundamente. Ocupo el tercio restante en escribir unas líneas que vendo lo más caro posible, lamentando el estar obligado a realizar ese trabajo abominable que me ha valido el honor de ser distinguido - moralmente - por usted.
      -Aquí tiene unas confidencias - ¿Qué dice usted, señora? Debe encontrarme muy descarado, perdóneme. Me da la impresión, mientras le escribo, que camino por un subterráneo negro con el temor de tener un agujero ante mis pies. Y doy golpes de bastón al azar para tantear el suelo.
      ¿Cuál es su perfume?
      ¿Es usted golosa?
      ¿Cómo es su oreja?
      ¿Y el color de sus ojos?
      ¿Le gusta la música?
      No le pregunto si es usted casada. Si lo es, me contestará que no. Si no lo es, me contestará que sí.
      Beso su mano señora.

      GUY DE MAUPASSANT

        Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A MARIE BASHKIRTSEFF

Cannes, 1, rue du Redan.
[Mars 1884.]

      Oui, Madame, une seconde lettre ! Cela m'étonne. J'éprouve peut-être le désir vague de vous dire des impertinences. Cela m'est permis puisque je ne vous connais point ; et bien non, je vous écris parce que je m'ennuie abominablement !
      Vous me reprochez d'avoir fait une rengaine avec la vieille femme aux Prussiens, mais tout est rengaine. Je ne fais que cela ; je n'entends que cela. Toutes les idées, toutes les phrases, toutes les discussions, toutes les croyances sont des rengaines.
      N'en est-ce pas une, et une forte, et une puérile d'écrire à une inconnue ?
      En somme, là-dedans, je suis un niais. Vous me connaissez plus ou moins. Vous savez ce que vous faites et à qui vous vous adressez ; on vous a dit ceci ou cela sur moi, du bien ou du mal : peu importe. Quand même vous n'auriez rencontré personne de mes relations qui sont larges, vous avez lu des articles de journaux sur mon compte, portrait physique et portrait moral ; enfin vous vous amusez, très sûre de ce que vous faites. Mais moi ?
      Vous pouvez être, il est vrai, une femme jeune et charmante dont je serai heureux, un jour, de baiser les mains ?
      Mais vous pouvez être aussi une vieille concierge nourrie des romans d'Eugène Sue ?
      Vous pouvez être une demoiselle de compagnie lettrée et mûre et sèche comme un balai ?
      Au fait, êtes-vous maigre ? Pas trop, n'est-ce pas ? Je serais désolé d'avoir une correspondante maigre. Je me méfie de tout avec les inconnues.
      J'ai été pris à des pièges ridicules. Un pensionnat de jeunes filles a entretenu avec moi une correspondance par la plume d'une sous-maîtresse. On se passait mes réponses de main en main pendant les classes. La ruse était drôle et m'a fait rire quand je l'ai sue - par la sous-maîtresse elle-même.
      Êtes-vous une mondaine ? Une sentimentale ? ou simplement une romanesque ? ou encore simplement une femme qui s'ennuie - et qui se distrait. Moi, voyez-vous, je ne suis nullement l'homme que vous cherchez.
      Je n'ai pas pour un sou de poésie. Je prends tout avec indifférence et je passe les deux tiers de mon temps à m'ennuyer profondément. J'occupe le troisième tiers à écrire des lignes que je vends le plus cher possible en me désolant d'être obligé de faire ce métier abominable qui m'a valu l'honneur d'être distingué - moralement - par vous !
      - Voilà des confidences - qu'en dites vous, madame ? Vous devez me trouver très sans gêne, pardonnez-moi. Il me semble, en vous écrivant que je marche dans un souterrain noir avec la crainte de trous devant mes pieds. Et je donne des coups de canne au hasard pour sonder le sol.
      Quel est votre parfum ?
      Êtes-vous gourmande ?
      Comment est votre oreille physique ?
      La couleur de vos yeux ?
      Musicienne ?
      Je ne vous demande pas si vous êtes mariée. Si vous l'êtes, vous me répondrez non. Si vous ne l'êtes pas, vous me répondrez oui.
      Je vous baise les mains, Madame.

      GUY DE MAUPASSANT

Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/