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Guy de Maupassant

Carta 321 
A LA CONDESA POTOCKA
(Original en francés)

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       Cannes, 13 de marzo de 1884

       ... Gracias por no haberme tenido en cuenta la historia de las muñecas, de la que estaba desolado1.
      ¿Que hago? Me aburro. Me aburro de un modo ininterrumpido. Todo me agobia, las personas que veo y los sucesos semejantes que se suceden. Poco espíritu en el mundo que se diga elegante, y poca inteligencia, poco de todo. Un nombre que suena y el dinero no son suficientes. Esas personan me hacen el efecto de detestables pinturas en unos marcos relucientes.
      Pero declaro que la princesa Mathile es un espíritu enorme, de simpatía, elegancia y  estilo, al lado de la duquesa de Chartres.
      Cuando se ve de cerca el sufragio universal y las personas que éste nos da, me entran ganas de ametrallar al pueblo y de guillotinar a sus representantes. Pero cuando se ve de cerca a los príncipes que podrían gobernarnos, uno se vuelve sencillamente anarquista.
      Son simples, gente brava, es cierto, llenos de ascendencia noble, e incluso afectados de ascendiciasis, pero ¡ que cerebros !. ¡Qué discursos! ¡Qué pensamientos! ¡ Qué preocupaciones ! ¡Oh!. Jamás sería cortesano.¿Sabe usted que extraña sensación me producen estos Grandes?  Una sensación de orgullo excesivo que no conocía. Me parece que soy el Príncipe y que charlo con todos los críos a quienes no se les ha enseñado todavía más que La Historia Sagrada.
      Por fortuna que hay otros hombres en el mundo, cuyo espíritu provocan la sensación contraria, una sensación deliciosa de humildad ante el Pensamiento triunfante. Acabo de releer a Diderot. ¡Qué genio! Y como nos influye todavía. Con que claridad funciona esta prodigiosa inteligencia, con que facilidad entra en el fondo de las cosas, las más oscuras, las más lejanas y las más altas. No sé por que pienso siempre en Diderot charlando con el duque de Chartres.
      Cuando pienso que el príncipe de Gales, aún niño, es inferior al de Orleáns, el rey de España y el emperador de Rusia inferior al principie de Gales, y el rey de Italia todavía inferior a estos, me vuelvo a mi mismo idiota de perplejidad ante la organización de las sociedades humanas.
      Pero pienso en las otras personas con las que me gusta hablar. ¿Conoce usted a una de ellas? Ella no tiene el respeto de rigor por los Maestros del mundo (¡ qué estilo !) y es franca en su pensamiento (al menos yo lo creo), en sus opiniones y en sus enemistades. Y es por ello por lo que pienso a menudo en ella. Su espíritu me da la impresión de una franqueza brusca, familiar y seductora. Es sorprendente, lleno de imprevistos y de un extraño encanto. Por desgracia no pude todavía creer (no sé por que) en su tenaz simpatía.
      Y eso es precisamente lo que me gustaría saber, lo que me gustaría descubrir: Si la amistad que puede tener con la gente proviene de su aburrimiento en un momento de distracción, de su fantasía divertida o de algo más profundo, más humano, de ese lazo de la inteligencia que hace las relaciones duraderas, y de esa inexplicable relación de los espíritus que deja un placer sutil, mental y físico hasta incluso en un apretón de manos. Me expreso mal. ¿Me comprende usted aún cuando no digo nada, me comprende también cuando empleo términos no muy felizmente elegidos?
      Pero olvidaba de decirle que tendré seguramente el placer, el gran placer, de besar los dedos de esta dama dentro de unos día, pues voy a estar obligado a ir a pasar veinticuatro horas a París, por unos asuntos.
      Le envío, Señora, todo lo que puede agradarle en mi...

      GUY DE MAUPASSANT

      1 Maupassant hace alusión, parece, a una broma de gusto dudoso, que François refiere en sus Souvenirs (capítulo XI). Pero François data la anécdota en ¡1889!... - Emmanuela Pignatelli de Cergharia, esposa del conde Nicolas Potocki, ocupaba en la avenida Friedland de París, 27, un hotel suntuoso convertido después en la sede de la Cámara de Comercio.

 Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A LA COMTESSE POTOCKA

Cannes, 13 mars 1884.

      ... Merci de ne m'en avoir point voulu pour l'histoire des poupées, dont j'étais désolé1.
      Ce que je fais ? Je m'ennuie. Je m'ennuie d'une façon ininterrompue. Tout m'assomme, les gens que je vois et les événements pareils qui se succèdent. Peu d'esprit dans le monde qu'on appelle élégant, et peu d'intelligence, peu de tout. Un nom qui sonne et de l'argent ne suffisent pas. Ces gens me font l'effet de peintures détestables en des cadres reluisants.
      Mais je déclare la princesse Mathilde un phénomène d'esprit, de gaîté et d'élégance et de bonne grâce, à côté de la duchesse de Chartres.
Quand on voit de près le suffrage universel et les gens qu'il nous donne, on a envie de mitrailler le peuple et de guillotiner ses représentants. Mais quand on voit de près les princes qui pourraient nous gouverner, on devient tout simplement anarchiste.
      Ils sont simples, braves gens, c'est vrai, pleins de bon-enfantisme, et même atteints de. bon-enfantiasis, mais quels cerveaux ! Quels discours ! Quelles pensées ! Quelles préoccupations ! Oh ! Je ne serai jamais courtisan. Savez-vous quelle sensation étrange me donnent ces Grands ? Une sensation d'orgueil excessif que je ne connaissais pas. Il me semble que je suis le Prince et que je cause avec de tout petits enfants à qui on n'a encore appris que l'Histoire Sainte.
      Heureusement qu'il est d'autres hommes au monde, dont l'esprit vous donne la sensation contraire, une sensation délicieuse d'humilité devant la Pensée triomphante. Je viens de relire du Diderot. Quel génie ! Et comme il nous domine encore. Comme cette intelligence prodigieuse fonctionne avec clarté, avec aisance, pénètre au fond des choses les plus obscures, les plus lointaines et les plus hautes. Je ne sais pourquoi je pense toujours à Diderot en causant avec le duc de Chartres.
      Et quand je songe que le prince de Galles, encore un bon-enfant, est inférieur aux d'Orléans, le roi d'Espagne et l'empereur de Russie inférieurs au prince de Galles, et le roi d'Italie encore inférieur à ceux-là, je deviens moi-même idiot d'étonnement devant l'organisation des sociétés humaines.
Mais je pense à d'autres personnes avec qui j'aime causer. En connaissez-vous une, de celles-là ? Elle n'a point le respect obligatoire pour les Maîtres du monde (quel style !) et elle est franche dans sa pensée (du moins je le crois), dans ses opinions et dans ses inimités. Et voilà sans doute pourquoi je songe si souvent à elle. Son esprit me donne l'impression d'une franchise brusque, familière et séduisante. Il est à surprises, plein d'imprévu et de charme étrange. Malheureusement je ne puis croire (je ne sais pourquoi) sa sympathie tenace.
      Et voilà ce que je voudrais savoir, ce que je voudrais découvrir. L'amitié qu'elle peut avoir pour les gens vient-elle de son ennui un instant distrait, de sa fantaisie amusée, ou de quelque chose de plus profond et de plus humain, de ce lien de l'intelligence qui fait les relations durables, et de cet inexprimable accord des esprits qui met un plaisir subtil, mental et physique jusque dans la poignée de main. Je m'exprime mal. Vous me comprenez souvent quand je ne dis rien, me comprenez-vous aussi quand j'emploie des mots insuffisamment choisis ?
      Mais j'oubliais de vous dire que j'aurai peut-être le plaisir, le grand plaisir, de baiser les doigts de cette dame avant quelques jours, car je vais sans doute me trouver obligé d'aller passer vingt-quatre heures à Paris, pour affaires.
      Je vous envoie, Madame, tout ce qui peut vous être agréable en moi...

      GUY DE MAUPASSANT

1 Maupassant fait allusion, semble-t-il, à une plaisanterie d'un goût douteux que François rapporte dans ses Souvenirs (chapitre XI). Mais François situe l'anecdote en 1889 !... - Emmanuela Pignatelli di Cergharia, épouse du comte Nicolas Potocki, occupait, 27, avenue Friedland à Paris, un hôtel somptueux, devenu depuis lors le siège de la Chambre de Commerce.

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