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Guy de Maupassant

Carta 330 
A MARIE BASHKIRTSEFF
(Original en francés)

Marie Bashkirtseff Carta siguiente: 331

Cannes, 3 de abril de 1884

      Señora, vengo de pasar quince días en Paris, y como había dejado en Cannes las indicaciones cabalísticas para hacerle llegar mis cartas, no he podido responderle antes.
      Sepa pues, señora, que ¡me ha alarmado bruscamente! Usted me propina golpe tras golpe sin prevenirme, ¡G. Sand, Flaubert, Balzac, Montesquieu, el judío Baahron, Jot y el sabio Spitzbube de Berlin, y Moisés!
      ¡Oh! ahora sé quién es usted, bonito disfraz, usted es un profesor de primero de bachillerato en el Instituto Louis-le-Grand. Confieso que lo sospechaba, pues su papel tiene un vago aroma de rapé. Entonces dejaré de ser galante (¿lo habré sido?) y voy a tratarle como a un universitario, es decir como a un enemigo. ¡Ah! Viejo zorro, viejo maestro, viejo roedor de latines, ¿así que quiso hacerse pasar por una linda mujer? ¡Y usted va a enviarme sus ensayos, un manuscrito sobre Arte o Naturaleza, para presentarlo en alguna revista y comentarlo en algún artículo!
      Que suerte que no le haya informado de mi regreso a Paris; habría visto llegar a mi casa, una mañana, a un anciano que habría depositado su sombrero en el suelo para sacar de su bolsillo un rollo de papel atado con una cuerda. Y me habría dicho "Señor, yo soy la dama que... "
      Y bien, señor profesor, voy mientras tanto a responder a algunas de sus preguntas. Comienzo por agradecerle unos detalles benevolentes que usted me ha dado sobre su físico y sobre sus gustos. Le agradezco igualmente la descripción que usted ha hecho de mí. Ha fortalecido mi fe. Le indico algunos errores:
      1º Menos vientre.
      2º No fumo nunca.
      3º No bebo ni cerveza, ni vino, ni licores. Nada más que agua.
      Así pues, la beatitud frente a una jarra no es mi pose predilecta.
      Yo suelo sentarme al estilo oriental en mi diván. ¿Usted me pregunta cual es mi pintor favorito entre los modernos? Millet.
      ¿Si me gusta la música? ¡Me horroriza la música!
      Prefiero en realidad una hermosa mujer a todas las artes. Pongo una buena cena, la verdadera cena, una cena exquisita, casi en el mismo puesto que una mujer bonita... He aquí mi profesión de fe, señor profesor.
      Soy de la opinión que cuando se tiene una buena pasión, una pasión capital, es necesario dejarle todo el lugar, sacrificar todas las otras, eso es lo que yo hago.
      Yo tenía dos pasiones. Tenía que sacrificar una - Tengo un poco sacrificada la glotonería. Me he vuelto sobrio como un camello, pero más difícil el no saber que comer.
      ¿Quiere usted un detalle más?. Me apasionan los ejercicios violentos. He apostado grandes sumas de dinero como remero, como nadador y como corredor.
      Ahora que le he contado todas estas confidencias, señor profesor, hábleme de usted, de su esposa, pues usted está casado, de sus hijos. ¿Tiene una hija? Si es así piense en mí, se lo ruego.
      Ruego al divino Homero que pida para usted al Dios que usted adora toda la felicidad de la tierra.

      GUY DE MAUPASSANT

      Regreso a París dentro de algunos días, calle Dulong, nº 83

        Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A MARIE BASHKIRTSEFF

      [Cannes,] 3 avril 1884

      Madame, je viens de passer quinze jours à Paris, et comme j'avais laissé à Cannes les indications cabalistiques pour vous faire parvenir mes lettres, je n'ai pu vous répondre plus tôt.
      Et puis savez-vous, Madame, vous m'avez rudement effrayé ! Vous me citez coup sur coup, sans me prévenir, G. Sand, Flaubert, Balzac, Montesquieu, le juif Baahron, Job et le savant Spitzbube, de Berlin, et Moïse !
       Oh ! maintenant je vous connais, beau masque, vous êtes un professeur de sixième au lycée Louis-le-Grand, je vous avouerai que je m'en doutais un peu, votre papier ayant une vague odeur de tabac à priser. Donc, je vais cesser d'être galant (l'étais-je ?) et je vais vous traiter en Universitaire, c'est-à-dire en ennemi. Ah, vieux madré, vieux pion, vieux rongeur de latin, vous avez voulu vous faire passer pour une jolie femme ? Et vous allez m'envoyer vos essais, un manuscrit traitant de l'Art et de la Nature, pour le présenter à quelque Revue, et en parler dans quelque article !
      Quelle chance que je ne vous aie point prévenu de mon passage à Paris, j'aurais vu arriver chez moi, un matin, un vieux homme râpé qui aurait posé son chapeau par terre pour tirer de sa poche un rouleau de papier attaché avec une ficelle. Et il m'aurait dit « Monsieur, je suis la dame qui..... »
       Et bien, monsieur le professeur, je vais cependant répondre à quelques-unes de vos questions. je commence par vous remercier des détails bienveillants que vous me donnez sur votre physique et sur vos goûts. je vous remercie également pour le portrait que vous avez fait de moi. Il est ressemblant, ma foi. Je signale cependant quelques erreurs.
      1º Moins de ventre.
      2º Je ne fume jamais.
      3º Je ne bois ni bière, ni vin, ni alcools. Rien que de l'eau.
      Donc la béatitude devant le bock n'est pas ma pose de prédilection.
      Je suis plus souvent accroupi à l'orientale sur un divan. Vous me demandez quel est mon peintre parmi les modernes ? Millet.
      Mon musicien ? J'ai horreur de la musique !
      Je préfère, en réalité une jolie femme à tous les arts je mets un bon dîner, un vrai dîner - le dîner rare presque sur le même rang qu'une jolie femme.
      Voilà ma profession de foi, monsieur le vieux professeur.
      J'estime que lorsqu'on a une bonne passion, une passion capitale, il faut lui laisser toute la place, lui sacrifier toutes les autres, c'est ce que je fais.
      J'avais deux passions. Il fallait en sacrifier une - j'ai un peu sacrifié la gourmandise. Je suis devenu sobre comme un chameau, mais difficile à ne plus savoir quoi manger.
       Voulez-vous encore un détail. J'ai la passion des exercices violents. J'ai soutenu de gros paris comme rameur, comme nageur et comme marcheur.
      Maintenant que je vous ai fait toutes ces confidences, Monsieur le pion, parlez-moi de vous, de votre femme, puisque vous êtes marié, de vos enfants. Avez-vous une fille ? Si oui, pensez à moi je vous prie.
      Je prie le divin Homère qu'il demande pour vous au Dieu que vous adorez tous les bonheurs de la terre.

      GUY DE MAUPASSANT

      Je rentre à Paris dans quelques jours, 83, rue Dulong.

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