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Guy de Maupassant

Carta 526
A LA SRA. ÉMILE STRAUS
(original en francés)

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Étretat, 15 de septiembre de 1888

      Señora,
      Estoy tan avergonzado que apenas me atrevo a escribirle. Mi única excusa es el estado de padecimientos continuos en los que vivo; mis jaquecas no me dejan día y noche. También no he hecho nada, absolutamente nada y mi novela1 está en el mismo punto que durante mi marcha de París. Paso unos días dolorosos y vacíos, esperando todavía el final de este estado que me sume en una  torpeza tal, que no tengo ni la energía de escribir una carta ni la de irme. Debo seguramente la prolongación de estos males a mi estancia en París, que cada vez me produce el mismo efecto.
      Ignorando donde se encontrará, le envío esta carta al bulevar Haussmann, pues pienso que usted habrá abandonado hace tiempo esa taza que se llama Royat.
      Aquí asisto a todo lo que pasa cada año en una playa. Hago un comentario que no es nuevo, pero que no me había afectado tanto nunca como este año; se trata del acuerdo que se establece entre un hombre y una mujer que comienzan una relación que está basada, no sobre los estados de espíritu concordantes, sino sobre un mismo nivel intelectual y social. Cuando digo social, me equivoco. La situación real no significa nada, es la situación que se merece por su naturaleza, la que únicamente determina la elección. He tenido bajo los ojos algunos extraños ejemplos este verano para confirmar el proverbio « cada oveja... con su pareja».
      Se ha visto, desde luego, reyes casándose con pastoras, pero esos reyes, como casi todos, habían nacido para ser pastores, y yo comienzo a dudar mucho de que un ser superior, de pedigrí y delicado refinamiento, puede enamorarse de una criatura  rudimentaria. Un hombre muy inteligente, un hombre de genio, puede ser de raza común, dotado de una sensibilidad vulgar y carecer del tacto elevado que determina la jerarquía de los seres en el orden moral. Este enunciado de principios debe parecerle imprevisto, pues usted no ha visto todas las estúpidas intrigas de nuestra playa, pero imagino que usted ha visto otras, que igualmente son válidas.
      Encuentro que el amor en los campos debe ser de una esencia muy delicada para no convertirse en ridículo. He visto personas a las que quería mucho besarse al claro de luna, y me han sorprendido esas personan a quiénes no podía convenir una habitación de hotel amueblado, a las que yo nunca me atrevería a hacerles eso ante la luna creciente. No crea, al menos, Señora, leyendo estas reflexiones, que yo preparo una psicología de amor en los campos. Estoy en un estado de ánimo que me llevaría más bien a tratar de la sabiduría, pues lo que pasa al alcance de mis ojos ne esta hecho para empujarme al sentimiento, o incluso a su mímica.
      De esto todavía se priva uno bien, pero lo que hay más desolador en esta región, es el valor intelectual de sus habitantes. Ni artistas, ni personas de mundo (no echo de menos a estos últimos excepto por la vista del decorado) sino personas de bolsa, pobres, lo que es el último escalón de la miseria social. Se oye, en las veladas donde las mujeres no dicen nada, a los hombres hablar de las obligaciones portuguesas, de las consolidadas, o del precio del flete de Trieste a Constantinopla. Aparte de esto, no saben nada y se asombran mucho cuando se les dice de algún modo que son estúpidos, pues yo no lo resisto más.
      Pienso a menudo en las veladas del domingo y las echo mucho de menos, y esas no las disfruto aquí.
      Adiós, Señora, beso sus manos con respeto. Le ruego que crea en mi profunda devoción y expreso toda mi amistad a su marido.

GUY DE MAUPASSANT

1. Fort comme la Mort, comenzada en la primavera de 1888.

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A Mme ÉMILE STRAUS

Étretat, 15 sept. 1888.

      Madame,
      Je suis tellement honteux que j'ose à peine vous écrire. Ma seule excuse est l'état de souffrance constant où je vis ; mes migraines ne me quittent plus ni jour ni nuit. Aussi n'ai-je rien fait, absolument rien et mon roman1 en est au même point que lors de mon départ de Paris. Je passe des jours douloureux et vides, attendant encore la fin de cet état qui me plonge dans une telle torpeur que je n'ai pas plus l'énergie d'écrire une lettre que celle de m'en aller. Je dois assurément la prolongation de ces malaises à mon séjour à Paris, qui me produit chaque fois le même effet.
       Ne sachant où cette lettre vous trouvera, je vous l'envoie boulevard Haussmann, car je pense que vous aurez quitté depuis longtemps cette cuvette qu'on nomme Royat.
       Ici j'assiste à tout ce qui se passe chaque année sur une plage. J'y fais une remarque qui n'est pas neuve, mais qui ne m'avait jamais tant frappé que cette année, c'est combien l'accord qui se fait entre un homme et une femme qui commencent une liaison est basé, non point sur les états d'esprit concordants, mais sur un même niveau intellectuel et social. Quand je dis social, j'ai tort. La situation réelle ne signifie rien, c'est la situation qu'on mérite par sa nature, qui seule détermine le choix. J'ai eu sous les yeux quelques exemples bizarres cet été pour confirmer le proverbe « Qui se ressemble..., s'assemble ».
      On a vu, certes, des rois épouser des bergères, mais ces rois-là, comme presque tous, étaient nés pour être bergers, et je commence à douter beaucoup qu'un être supérieur, de race fine et de délicatesse raffinée, puisse devenir amoureux d'une créature très rudimentaire. Un homme très intelligent, un homme de génie, peut être de race commune, doué d'une sensibilité vulgaire et manquer du tact élevé qui fait la hiérarchie des êtres dans l'ordre moral. Cet énoncé de principes doit vous paraître bien imprévu, car vous n'avez pas vu toutes les sottes intrigues de notre plage, mais j'imagine que vous en avez vu d'autres, qui les valent.
      Je trouve que l'amour à la campagne doit être d'essence très délicate pour ne point devenir ridicule. J'ai vu des gens que j'aimais beaucoup s'embrasser au clair de lune, et ils m'ont si fort choqué, ces gens à qui ne pouvait convenir une chambre d'hôtel meublé, que je n'oserai plus jamais en faire autant en face du croissant. Ne croyez pas, au moins, Madame, en lisant ces réflexions, que je prépare une physiologie de l'amour aux champs. Je suis dans un état d'âme qui me porterait plutôt à traiter de la sagesse, car ce qui passe à portée de mes yeux n'est point fait pour me pousser au sentiment, ou même à sa mimique.
De cela encore, on se prive fort bien, mais ce qu'il y a de plus désolant dans ce pays, c'est la valeur intellectuelle de ses habitants. Ni artistes, ni gens du monde (je ne regrette ces derniers qu'au point de vue du décor) mais des gens de bourse, pauvres, ce qui est le dernier échelon de la misère sociale. On entend, dans les soirées où les femmes ne disent rien, les hommes parler des obligations portugaises, des consolidés, ou du prix du fret de Trieste à Constantinople. Hors cela, ils ne savent rien et s'étonnent beaucoup quand on leur dit avec quelque forme qu'ils sont bêtes, car je n'y résiste pas.
      Je pense souvent aux soirées du dimanche et je les regrette fortement, mais cela ne me les rend pas ici.
      Adieu, Madame, je baise vos mains avec respect. Je vous prie de croire à mon profond dévouement et d'exprimer toute mon amitié à votre mari.

      GUY DE MAUPASSANT

     1 Fort comme la Mort, commencé au printemps de 1888.

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