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Guy de Maupassant

Carta 536
A LA SRA. ÉMILE STRAUS
(original en francés)

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Hamman-Rhira, medianoche del jueves.
[1888]

      Señora,
      Su despacho me ha llegado a la hora justa a Hamman-Rhira, donde esperaba permanecer algunos días, pero voy a abandonarlo mañana para ir a visitar, en las montañas del Ouarsenis, el bosque de cedros de Tessiet Haad. Si usted tiene la bondad de escribirme algunas línes, envíemelas a la oficina de correos de Argel, a dónde regresaré antes de marchar para la Kroumirie. En este momento hago un viaje a pie muy bonito por unas montañas y unos barrancos de bosques vírgenes, que no son muy comunes excepto entre los árabes. Bebo el aire que viene del desierto y devoro la soledad. Es bueno y triste. Hay atardeceres donde llego a los albergues africanos, una única habitación expuesta al calor, y donde siento en mi corazón  el peso de las distancias que me separan de todos aquellos que conozco y amo. El otro día, quedé hasta medianoche ante la puerta de ese refugio de caravanas, dónde había comido unas cosas que no puedo definir y bebido una agua que no quiero recordar. Se oía, a distancias infinitas, unos ladridos de perros, aullidos de chacales, la risa de las hienas. Y todos esos ruidos bajo un cielo, en el que las estrellas brillaban, esas enormes, milagrosas, innumerables estrellas de África, esos ruídos eran tan lúgubres,  daban tal sensación de soledad definitiva, de imposibilidad de regreso, que tuve frío en los huesos. Luego, cuando el sol salió, volví a los caminos con el arrebato de un animal libre y, a lo largo de la marcha, vi unas muchachas alegres, pequeñas, sensuales, sencillas, desnudas que sentí y no pensé, que vi sin mirar, que bebí las impresiones, el aire y la luz. Durante estos días he tenido un inexplicable deprecio por los civilizados que disertan, argumentan y refinan. Me gusta más disparar mi fusil a un pájaro que pasa, y que mato, lamentándo haberlo matado  viéndolo morir. Y continúo con el remordimiento del animal agonizante, cuyos estertores me quedan en la retina. Y vuelvo a comenzar. Siempre es así lejos de todo, de las personas y de los acontecimientos. Me parece que siento la vida con más intensidad y más cruelmente que en las ciudades, donde todas las conversaciónes nos separan, nos alejan del contacto brutal de la naturaleza. Aquí, yo la veo, la sorprendo, la descubro. El árabe, en su loma de ramas y hierbas, medio desnudo, medio idiota, fanático  y bestial, es un ser tan interesante como Jules Lemaître, que plantea, en su espíritu sutil y limitado, unos problemas interesantes un día, pasados de moda al día siguiente, tan inútiles de discutir como todas las idioteces que ocupan a los hombres; cito a Lemaître, porque lo considero como uno de los más inteligentes entre los intelectuales. Es necesario sentir, como un animal lleno de nervios que comprende que siente y que cada sensación sacude como un temblor de tierra, pero no hace falta decir, no hace falta escribir, para el público, que se ha sido así afectado. Se puedo en todo caso dejarlo comprender, alguna vez, a algunas personas, que no lo repetirán.
      Esta carta, Señora, va a sorprenderle, usted no me conoce demasiado todavía. Usted vive, ahí, bajo las farolas de gas. Yo vivo aquí bajo los astros que semejan una muchedumbre de soles. Cuando yo las he mirado como esta noche, estoy más embriagado que si hubiese bebido todo el champán que los cronistas hacen servirse en el café Inglés.
      Le beso las manos, Señora, confesándome su amigo, muy respetuoso, muy devoto y muy reconocido.

      GUY DE MAUPASSANT

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A Mme ÉMILE STRAUS

Hammam-Rhira, jeudi minuit.
[1888.]

      Madame,
      Votre dépêche m'a rejoint tout à l'heure à Hammam-Rhira, où je comptais m'arrêter quelques jours, mais que je vais quitter demain pour aller visiter dans les montagnes de l'Ouarsenis la forêt de cèdres de Tessiet Haad. Si vous aviez la gracieuseté de m'écrire quelques lignes, voulez-vous me les adresser poste restante à Alger, où je reviendrai avant de partir pour la Kroumirie. Je fais en ce moment un voyage à pied très beau par des montagnes et des ravins de forêts vierges, qui ne sont guère connues que des Arabes. Je bois de l'air qui vient du désert et je dévore de la solitude. C'est bon et c'est triste. Il y a des soirs où j'arrive dans des auberges africaines, une seule chambre blanchie à la chaux, et où je me sens sur le cœur le poids des distances qui me séparent de tous ceux que je connais et que j'aime, car je les aime. L'autre jour, je suis resté ainsi jusqu'à minuit devant la porte du caravansérail délabré où j'avais mangé des choses que je ne peux définir et bu de l'eau à laquelle je ne veux plus songer. On entendait, à des distances infinies, des aboiements de chiens, des jappements de chacals, la voix des hyènes. Et ces bruits sous un ciel dont les étoiles flambaient, ces énormes, miraculeuses, innombrables étoiles d'Afrique, ces bruits étaient si lugubres, donnaient tellement la sensation de la solitude définitive, de l'impossible retour, que j'en ai eu froid dans les os. Puis, quand le soleil se lève, je repars sur les sentiers avec des élans de bête libre et j'ai, tout le long des marches, des joies vives, courtes, sensuelles, simples, des joies de brute lâchée qui sent et ne pense pas, qui voit sans regarder, qui boit des impressions, de l'air, et de la lumière. J'ai eu ces jours-là un inexprimable mépris pour les civilisés qui dissertent, argumentent et raffinent. J'aime mieux tirer mon coup de fusil sur un oiseau qui passe, et que je tue, et que je regrette d'avoir tué en le voyant mourir. Et je repars avec ce remords de la bête agonisante, dont les tressaillements me restent dans l'œil. Et je recommence. Il en est toujours ainsi loin de tout, des gens et des événements. Il me semble que je sens la vie plus fortement et plus cruellement que dans les villes, où toutes les conversations nous séparent, nous éloignent du contact brutal de la nature même. Ici, je la vois, je la surprends, je la découvre. L'Arabe, dans sa butte de branches et d'herbes, à moitié nu, à moitié idiot, fanatique et bestial, est un être aussi intéressant que jules Lemaître, qui retourne, en son esprit subtil et limité, des problèmes intéressants un jour, démodés le lendemain, aussi inutiles à discuter que toutes les bêtises qui occupent les hommes ; je cite Lemaître, parce que je le considère comme un des plus intelligents parmi les intellectuels. Il faut sentir, tout est là, il faut sentir comme une brute pleine de nerfs qui comprend qu'elle a senti et que chaque sensation secoue comme un tremblement de terre, mais il ne faut pas dire, il ne faut pas écrire, pour le public, qu'on a été ainsi remué. On peut tout juste le laisser comprendre, quelquefois, à quelques personnes, qui ne le répèteront point.
      Cette lettre, Madame, va vous surprendre, vous ne me connaissez guère encore. Vous vivez, là-bas, sous des becs de gaz. Je vis ici sous des astres qui sont pareils à un peuple de soleils. Quand je les ai regardés comme ce soir, je suis plus ivre que si j'avais bu tout le champagne que les chroniqueurs font couler, ou sabler, au café Anglais.
      Je baise vos mains, Madame, en me disant votre ami, très respectueux, très dévoué, très reconnaissant.

GUY DE MAUPASSANT

Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/