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calle
de Montchanin
[Septiembre de 1889]
Mi
querido amigo,
Parto mañana para un viaje en mar - Isla de Elba, Córcega, y costa italiana.
Le respondo entonces presuroso. Usted me pregunta si conozco algún remedio para
el aburrimiento de vivir. - No - Sí; sé uno abominable - La broma - Yo, hoy,
tomo todo a broma, salvo ciertas emociones profesionales. Tengo a veces cortas,
extrañas y violentas revelaciones de la belleza, de una belleza desconocido,
inabordable, apenas revelada por ciertas ideas, ciertas palabras, ciertos
espectáculos, ciertas colaboraciones del mundo en algunos segundos que hacen de
mí una máquina de vibrar, de sentir y de gozar, deliciosamente estremecedora.
No puedo comunicar eso, ni expresarlo, ni escribirlo, ni decirlo. Lo conservo.
No tengo otra razón de ser, de continuar siendo, y en escuchar y en despachar,
y en repetir las sandeces de las que se compone la existencia. En cuanto a las
ideas, que son para muchos hombres, para los mejores, la razón de ser,
encuentro que los más complicados son más simples haciendo desesperar a la
inteligencia humana y que los más profundos, cuando han reflexionado cinco
minutos, son lamentables. Es necesario tener un buen sistema nervioso, muy
sensible, una epidermis muy delicada, unos ojos excelentes para ver, y un
buen espíritu para saborear y despreciar. Y burlarse enseguida de todo lo que
se ve, de todo lo que es respetado, considerado, estimado, admirado, comunmente,
burlándose de un modo natural y constante como se digiere lo que se come. Vea,
es decir, evalue y tome la vida del mismo modo que los alimentos de toda
naturaleza que se convierten en basura. Todo no es más que Basura cuando se ha
comprendido y digerido. Pero todo puede parecer bueno cuando se es goloso.
Cuando se aporta a esta degustación un espíritu curioso, los primeros bocados
son a menudo delicados, los primeros besos son en ocasiones dulces. Cuando están
pasados, búrlese.
He expresado muy mal todo esto. Habría podido
plantearlo más claramente, con más
precisión, con el tiempo del que no dispongo.
Si usted no es un crédulo, o si no lo ha sido, busque los placeres materiales y
sensuales y desprecie. O bien llore sobre todo y sobre usted mismo. Es lo que yo
hago a menudo.
He abandonado Triel donde nuestros amigos han venido a cenar y a repetir lo que
usted les ha oído decir en París a menudo. Se han reido como otras veces.
Nuestras bellas amigas están tan dispuestas como siempre, usando el
mismo modo de hacer girar las mismas cabezas. Se comen los mismos platos a la
misma hora generalmente. Se acuestan también a la misma hora. Pienso que se
hacen siempre las mismas cosas. Es al menos lo que aquí me llega. Confieso que
experimento siempre cierto placer en recibir a personas nuevas. Pero en tanto
que no cambie todo este hielo, la vida será monótona y aburrida. - Y no
cambiará todo esto.
Después de tres páginas de filosofía, si se
quiere, le deseo, mi querido amigo, un poco menos de desaliento, y crea en mi
más sincero afecto.
GUY DE MAUPASSANT
Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant
10, rue de Montchanin
[Septembre 1889.]
Mon cher ami,
Je pars demain pour un voyage en mer - Ile d'Elbe, Corse, et côte italienne. Je
vous réponds donc tout de suite. Vous me demandez si je sais un remède à
l'ennui de vivre. - Non - Si ; j'en sais un abominable - La blague - Moi,
aujourd'hui, je prends tout à la blague, sauf certaines émotions
professionnelles. J'ai parfois de courtes et bizarres et violentes révélations
de la beauté, d'une beauté inconnue, insaisissable, à peine révélée par
certaines idées, certains mots, certains spectacles, certaines colorations du
monde à certaines secondes qui font de moi une machine à vibrer, à sentir et
à jouir, délicieusement frémissante. Je ne peux pas communiquer cela, ni
l'exprimer, ni l'écrire, ni le dire. Je le garde. Je n'ai pas d'autre raison
d'être, de continuer à être, et à écouter, et à débiter, et à répéter
les inepties dont se compose l'existence. Quant aux idées, qui sont pour
beaucoup d'hommes, pour les meilleurs, la raison d'être, je trouve que les plus
compliquées sont simples à faire désespérer de l'intelligence humaine, que
les plus profondes quand on y a réfléchi cinq minutes, sont pitoyables. Il
faut avoir un bon système nerveux, très sensible, un épiderme très délicat,
des yeux excellents pour voir, et un bon esprit pour savourer et mépriser. Et
se moquer ensuite de tout ce qu'on voit, de tout ce qui est respecté,
considéré, estimé, admiré, communément, s'en moquer d'une façon naturelle
et constante comme on digère ce qu'on mange. Voyez, c'est-à-dire, avalez et
rendez la vie à la façon des aliments de toute nature qui deviennent la même
ordure. Tout n'est que de l'Ordure quand on a compris et digéré. Mais tout peu
paraître bon quand on est gourmand. Lorsqu'on apporte à cette dégustation un
esprit curieux, les premières bouchées sont souvent fines, les premiers
baisers sont parfois doux. Lorsque c'est passé - blaguez.
J'ai très mal exprimé cela. J'aurais pu le rendre plus clair, plus précis,
avec du temps que je n'ai pas.
Si vous n'êtes plus un gobeur, ou si vous ne l'avez pas été, soyez un
jouisseur et un contempteur. Ou bien alors pleurez sur tout et sur vous-même.
C'est ce que je fais souvent.
J'ai quitté Triel où nos amis sont venus dîner et répéter ce que vous les
avez souvent entendus dire à Paris. On en a ri comme autrefois. Nos belles
amies sont toujours parées de la même manière, dont elles usent de la même
façon pour faire tourner les mêmes têtes. On mange les mêmes plats à la
même heure généralement. On se couche aussi à la même heure. Je pense
encore qu'on fait ensuite les mêmes choses. C'est du moins ce qui m'arrive.
Pourvu que ce soit avec des personnes nouvelles j'avoue que j'y prends toujours
un certain plaisir. Tant qu'on n'aura point changé tout gela, la vie sera
monotone et ennuyeuse. - Et on ne changera point tout cela. Prenez-en votre
parti.
Après ces trois pages de philosophie - si l'on veut - je vous souhaite, mon
cher ami, un peu moins de découragement, et croyez à ma très sincère
affection.
GUY DE MAUPASSANT
Puesto en formato html por Thierry Selva: http://maupassant.free.fr/