Carta anterior: 645

Guy de Maupassant

Carta 646
A UNA DESCONOCIDA
(original en francés)

 Carta Siguiente: 647

[Fragmento]
[¿Aix-les-Bains, 1890? ]

      ... Si nunca pudiese hablar, dejaría salir todo lo que siento en el fondo de mi de pensamientos inexplorados, reprimidos, dolorosos. Siento que me hinchan y me envenenan como la bilis a los biliosos. Pero si pudiese un día expectorarlos, entonces se evaporarían tal vez y no encontraría en mi más que un corazón ligero, alegre ¿quién sabe? Pensar se convierte en un tormento abominable cuando el cerebro no es más que un lamento. Tengo tan dañada la cabeza que mis ideas no pueden moverse sin darme ganas de gritar. ¿Por qué? ¿Por qué? Dumas diría que tengo un mal estómago. Creo sin embargo que tengo un pobre corazón orgulloso y apenado, un corazón humano, ese viejo corazón humano del que se ríe, pero que afecta y hace daño en la cabeza también, tengo el alma de los latinos que está muy gastada. Y luego hay días en los que no pienso así, pero donde sufro igualmente, pues soy de la familia de los exigentes. Pero esto, no lo digo, no lo muestro, lo disimulo incluso muy bien, creo. Se me considera sin ninguna duda una de los hombres más indiferentes del mundo. Soy escéptico, lo que no es la misma cosa, escéptico porque tengo los ojos claros. Y mis ojos dicen a mi corazón: Escóndete, viejo, eres grotesco, y él se esconde1...

      1 Publicada por Pol Neveux (Prefacio a la Edición Conard)

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A UNE INCONNUE

[Fragment]

[Aix-les-Bains, 1890 ?]

      ... Si jamais je pouvais parler, je laisserais sortir tout ce que je sens au fond de moi de pensées inexplorées, refoulées, désolées. Je les sens qui me gonflent et m'empoisonnent comme la bile chez les bilieux. Mais si je pouvais un jour les expectorer, alors elles s'évaporeraient peut-être et je ne trouverais plus en moi qu'un cœur léger, joyeux qui sait ? Penser devient un tourment abominable quand la cervelle n'est qu'une plaie. J'ai tant de meurtrissures dans la tête que mes idées ne peuvent remuer sans me donner envie de crier. Pourquoi ? Pourquoi ? Dumas dirait que j'ai un mauvais estomac. Je crois plutôt que j'ai un pauvre cœur orgueilleux et honteux, un cœur humain, ce vieux cœur humain dont on rit, mais qui s'émeut et fait mal et dans la tête aussi, j'ai l'âme des Latins qui est très usée. Et puis il y a des jours où je ne pense pas comme ça, mais où je souffre tout de même, car je suis de la famille des écorchés. Mais cela, je ne le dis pas, je ne le montre pas, je le dissimule même très bien, je crois. On me pense sans aucun doute un des hommes les plus indifférents du monde. Je suis sceptique, ce qui n'est pas la même chose, sceptique parce que j'ai les yeux clairs. Et mes yeux disent à mon cœur : Cache-toi, vieux, tu es grotesque, et il se cache1...

      1 Publié par Pol Neveux (préface Édition Conard).

Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/