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Guy de Maupassant

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A SU MADRE
(original en francés)

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   Constantine, octubre de 1890.

      Mi querida madre,
      Hemos llegado a Constantine después de dieciocho horas en ferrocarril. El viaje se ha pasado bien, sin demasiado cansancio. Saldremos mañana temprano para Biskra y estaremos allí la misma noche. Es allí donde espero disfrutar del desierto, pues ese país tiene para mí un verdadero sabor único. No le falta más que alojamientos confortables. Comienzo a sentir en serio la beneficiosa influencia del calor después de algunos trastornos de aclimatación aunque más leves por otra parte que los de Aix. Pero es una larga estancia la que me haría falta aquí. Te he enviado por correo unas fotografías de Biskra, y estoy seguro que viéndolas, estarás casí arrepentida de no haber alquilado aquí mejor que en Niza.
      Tenemos un nuevo compañero de viaje, el Sr. Pichot, director de la Revista británica, gran amigo de la princesa Mathilde. Es un caballero amable, agradable y bien educado.
      La Sra. *** que ha estado un poco enferma durante algunos días, va mejor, y creo que este país le ha producido una fuerte impresión. Ella teme un poco el sol, pues el de aquí es un ogro que devora todo. África es la tierra preferida de este astro que se vuelve feroz al otro lado del mar. Vamos de hotel en hotel, quejándonos de las habitaciones y de las comidas. El ruído del puerto de Argel bajo mis ventanas me ha recordado a la avenida Victor Hugo1, pero una avenida Victor Hugo formidable, con trenes, unas sirenas de trasatlántico, grúas a vapor y árabes cargando y descargando paquetes.
      Hemos cenado con el Sr. Tirman2 cuyo patio y palacio me han hecho pensar en un rey de Yvetot africano. No le faltan a los invitados, diputados, magistrados, etc., más que cantar, en el desierto, canciones árabes. Las damas del anfitrión eran dos. Ningún deseo podía tener de aumentar su familia. Yo tenía por vecina a una baronesa amarillenta, histérica y delgada, escotada en la espalda hasta las piernas. La discreción relativa por delante indicaba más bien prudencia que pudor.
      Unas ganas de reir me hacían daño como las crisis de estómago. La cena, por otra parte, no pudo consolarme de la vecindad.
      Adiós, mi querida madre, te abrazo con todo mi corazón, muy cariñosamente.
      Abrazo a la pequeña Simone y envío a Marie-Thérèse mis más afectuosos pensamientos.

      Tu hijo,
      GUY

      1 El apartamento de la avenida Victor Hugo, 14, en Paris, donde el ruído del horno de panadero parecía insoportable a Maupassant.
      2 Louis Tirman, senador, Gobernador general de Argelia de 1883 a 1893

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A SA MÈRE     

Constantine, octobre 1890.

      Ma bien chère mère,
      Nous voici arrivés à Constantine après dix-huit heures de chemin de fer. Le voyage s'est bien passé, sans trop de fatigue. Nous partirons demain matin pour Biskra et nous y serons le même soir. C'est là que j'espère goûter le désert, car ce pays a vraiment pour moi une saveur unique. Il n'y manque que des logements confortables. Je commence à sentir vraiment l'influence bienfaisante de la chaleur après quelques troubles d'acclimatation bien plus légers d'ailleurs que ceux d'Aix. Mais c'est un long séjour qu'il me faudrait ici. Je t'ai envoyé par la poste des photographies de Biskra, et je suis bien certain qu'en les voyant, tu seras presque au regret de n'avoir pas loué là plutôt qu'à Nice.
      Nous avons un nouveau compagnon de voyage, M. Pichot, directeur de la Revue britannique, grand ami de la princesse Mathilde. C'est un aimable homme, confortable et bien élevé.
      Mme *** qui a été un peu souffrante pendant quelques jours va mieux, et je crois que ce pays lui a donné vraiment une forte impression. Elle en redoute un peu le soleil, car celui d'ici est un ogre qui mange tout. L'Afrique est bien la terre préférée de cet astre devenu féroce de l'autre côté de la mer. Nous allons, d'hôtel en hôtel, en geignant sur les chambres et sur les nourritures. Le bruit du port d'Alger sous mes fenêtres m'a rappelé l'avenue Victor-Hugo1, mais une avenue Victor-Hugo formidable, avec des trains, des sirènes de transatlantique, des grues à vapeur et des Arabes de somme chargeant et déchargeant des paquets.
      Nous avons dîné chez M. Tirman2 dont la cour et le palais m'ont fait songer à un roi d'Yvetot africain. II ne manquait aux invités, députés, magistrats, etc., que de chanter, au dessert, des chansons arabes. Les dames du cru étaient deux. Aucun désir ne pouvait venir d'augmenter leur famille. J'avais pour voisine une baronne jaune, hystérique et maigre, décolletée dans le dos jusqu'aux jambes. La discrétion relative du devant indiquait plutôt de la prudence que de la pudeur.
      Des envies de rire me faisaient mal comme des crises d'estomac. Le dîner, d'ailleurs, ne pouvait consoler des voisinages.
      Adieu, ma bien chère mère, je t'embrasse de tout mon cœur, très tendrement.
      J'embrasse la petite Simone et j'envoie à Marie-Thérèse mes plus affectueuses pensées.

      Ton fils,
      GUY

      1 L'appartement du 14, avenue Victor-Hugo à Paris, où le bruit du four de boulanger parut insupportable à Maupassant.
      2 Louis Tirman, sénateur, Gouverneur général de l'Algérie de 1883 à 1893.

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