Carta anterior: 68

Laure de Maupassant

Carta: 69
DE LAURE DE MAUPASSANT1
A GUSTAVE FLAUBERT

(original en francés)

Gustave Flaubert Carta Siguiente: 70

Étretat, 2 de mayo de 1877

      Tus tres cuentos, mi querido Gustave, me han gustado infinitamente; los he leído todos de un tirón, y ahora voy a releerlos. Pero antes tengo que agradecerte todo el placer que tu me has dado, y decirte que tu recuerdo no podía llegar aquí más adecuadamente. Estaba sufriendo el sábado por la mañana, me sentía un poco triste, la soledad me agobiaba; tu libro ha llegado a mí como un amigo, y la sola vista de su cubierta amarilla me ha revitalizado enseguida el corazón.
      He comenzado ávidamente, por el primer cuento1. He seguido paso a paso a la humilde Félicité en su vida de trabajo y abnegación; he entrado en esa casa de pueblo donde los días suceden a los días con una tan desesperante monotonía; luego he querido a Loulou, el pequeño periquito verde que vuela tan bien  al país del sueño a pesar de su ala rota, de su ojos de vidrio y de su vientre lleno de estopa.
      Este estudio es exquisito, en sus matices tan profundos y tan finas.
      La légende de St- Julien ofrece unas bellezas de otro género, y no recuerdo haber sentido jamás un tan completo deslumbramiento. La gota de sangre del pequeño ratón blanco me ha producido el mismo estremecimiento que la muerte de los dos ancianos; la llegada de la princesa de dulces ojos me ha encantado como la celeste visión del final. Todo es rápido, dramático, entretenido, y por tanto perfecto en los detalles, cincelado a la manera de los maestros joyeros de antaño. Bien se puede decir que es una verdadera maravilla, una rara obra maestra.
      Tu último cuento, el estudio antiguo titulado Hérodias, me parece igualmente de lo más notable. Esta muy logrado y de colorido brillante. Los personajes están vivos y se desenvuelven bien en esas grandes salas donde brilla el lujo de la época romana. Las extrañas viandas humean sobre las mesas, los convidados se ceban de carne y vino, y el infame Aulus está cerca de transmitir sus nauseas al lector... pasemos rápido... Y aquí llega la bella Salomé con su embriagadora danza , y la cabeza del pobre San Juan sin apoyo sobre sus hombros... Como irá derecho al Paraíso, no tengo necesidad de apiadarme de su suerte, y puedo entregarme completamente al sentimiento de admiración que tanto me inspiran estas bellas páginas. ¿Podré alguna vez, mi buen amigo, agradecerte bastante las encantadoras horas que tú me haces pasar?
      Me queda todavía un poco de tiempo y un poco de sitio para hablarte de mi; pero no tengo gran cosa que decirte que valga la pena de ser resaltada. No me atrevo a describirte la vida que llevo aquí; recuerda demasiado a ciertos cuadros tan bien descritos en Un Coeur simple. Diría que la soledad absoluta de esta rivera durante ocho meses del año, le da un encanto melancólico que faltará al pueblo, esencialmente mezquino y cotilla. Ves que me consuelo lo mejor que puedo; pero no puedo impedir reconocer que el último invierno me ha parecido eterno y que tenía gran necesidad de los diez días pasados en Paris. El regreso no ha sido alegre, y me estoy encontrando muy sola en mi gran casa. He pensado mucho en todos los que venía de dejar, y me he dicho que sería muy agradable retornar de vez en cuando al hogar de los queridos viejos amigos. No me atrevo demasiado a hacer proyectos, pero trataré de no quedar inmóvil en mi desierto, para que los pájaros no vengan a hacer sus nidos en medio de mis cabellos- puedes ver que aprovecho lo que he leído - En fin, adiós mi querido compañero, bastante charlatana estoy siendo. Te abrazo fuete y te estrecho la mano de todo corazón. Mil cariñosos recuerdos a tu amable sobrina a la que quiero mucho, y mis atentos saludos al señor Commanville. Tu vieja amiga

LAURE

1 Un coeur simple

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


DE LAURE DE MAUPASSANT
A GUSTAVE FLAUBERT

Étretat, le 2 mai 1877.

      Tes trois contes, mon cher Gustave, me plaisent infiniment ; je les ai lus tout d'une haleine, et maintenant je vais les relire. Mais auparavant, je tiens à te remercier de tout le plaisir que tu m'as fait, et à te dire que ton souvenir ne pouvait arriver ici plus à propos. J'étais souffrante samedi matin, je me sentais un peu triste, la solitude m'accablait ; ton livre est venu à moi comme un ami, et la seule vue de sa couverture jaune m'a tout de suite réchauffé le cœur.
J'ai commencé incontinent, par le premier conte. J'ai suivi pas à pas l'humble servante Félicité dans sa vie de travail et d'abnégation ; je suis entrée dans cette maison de petite ville où les jours succèdent aux jours avec une si désespérante monotonie ; puis j'ai aimé le pauvre Loulou, le perroquet vert, qui s'envole si bien au pays du rêve en dépit de son aile cassée, de son œil de verre et de son ventre bourré d'étoupe.
      Cette étude est exquise, dans ses demi-teintes si fondues et si fines.
      La légende de St-Julien offre des beautés d'un autre genre, et je ne me souviens pas d'avoir éprouvé jamais un plus complet éblouissement. La goutte de sang de la petite souris blanche m'a donné le même frisson que le meurtre des deux vieillards ; la venue de la princesse aux doux yeux m'a charmée comme la céleste vision de la fin. Tout cela est rapide, dramatique, entraînant, et pourtant parfait dans les détails, ciselé à la manière des maîtres joailliers d'autrefois. On peut bien dire que c'est là une vraie merveille, un rare chef-d'œuvre !
      Ton dernier conte, l'étude antique intitulée Hérodias, me paraît également des plus remarquables. C'est largement fait et très brillant de couleur. Les personnages sont vivants et circulent bien dans ces grandes salles où s'étale tout le luxe de l'époque romaine. Les mets étranges fument sur les tables, les convives se gorgent de viande et de vin, et l'infâme Aulus est bien près de faire partager ses nausées au lecteur... passons vite... Voici venir la belle Salomé avec sa danse enivrante, et la tête du pauvre St Jean ne tient plus guère sur ses épaules... Comme il ira tout droit au paradis, je n'ai pas besoin de m'apitoyer sur son sort, et je puis me livrer tout entière au sentiment d'admiration que m'inspirent tant de belles pages. Pourrai-je jamais, mon bon ami, te remercier assez des heures charmantes que tu m'as fait passer ?
      Il me reste encore un peu de temps et un peu de place pour te parler de moi ; mais je n'ai pas grand'chose à te dire qui vaille la peine d'être noté. le n'ose guère essayer de te décrire la vie que je mène ici ; elle ressemble trop à certains tableaux si bien tracés dans Un Cœur simple. Il faut dire pourtant que la solitude absolue de ce rivage pendant huit mois de l'année, lui donne un charme mélancolique gui manquera toujours à la petite ville, essentiellement mesquine et cancanière. Tu vois que je me console de mon mieux ; mais je ne puis m'empêcher d'avouer que le dernier hiver m'a paru éternel et que j'avais grand besoin des dix jours passés à Paris. Le retour n'a pas été gai, et je me suis trouvée bien seule dans ma grande maison. J'ai beaucoup pensé à tous ceux que je venais de quitter, et je me suis dit qu'il serait très doux de retourner de temps en temps s'asseoir au foyer des chers vieux amis. Je n'ose trop faire de projets, mais je tâcherai pourtant de ne pas rester immobile dans mon désert, de peur que les oiseaux ne s'avisent de venir faire leurs nids au milieu de ma chevelure - tu vois que je profite de ce que j'ai lu - Allons, adieu mon cher camarade, assez bavardé comme cela. ,Je t'embrasse fort et te serre la main de tout mon cœur. Mille tendres souvenirs à ton aimable nièce que j'aime beaucoup, et mes compliments bien empressés à Monsieur Commanville. Ta vieille amie

LAURE

Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/