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DE LAURE DE MAUPASSANT
A GUSTAVE FLAUBERT

(original en francés)

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Étretat 26 de noviembre de 1869

      Entre nosotros, mi viejo amigo, no pueden existir excusas, y sabes que si no voy enseguida a darte las gracias, de todos modos gracias, es porque he debido estar absolutamente imposibilitada. Es necesario por tanto que te hable de la desgraciada expedición que acabo de hacer, aún exponiéndome a que te rías mucho a mi costa. El pasado domingo, a las nueve de la mañana, me puse en camino hacia Ruán con mis dos hijos, mis criados y mi perro, y anteayer, a las cuatro de la tarde, dicho grupo hacía su entrada en Étretat, las orejas gachas y la compostura tan lamentable como una tropa que acaba de sufrir una derrota.
      ¿Qué había sucedido?
      Simplemente esto: Tuve miedo al oír decir que en la ciudad de Ruán, la fiebre tifoidea se había declarado en algunos sitios; pero más gravemente en el Instituto, es decir a nuestras puertas; Fuí aprisa a casa del señor Achille1, y este me dijo, sin vacilar y sin ninguna ceremonia: « Váyase, llévese a sus hijos lo más rápido posible y no regrese hasta que yo la llame.». Tú me conoces y supondrás que no me hice repetir el aviso; al día siguiente por la mañana, estábamos todos en el ferrocarril rodando a todo vapor hacia nuestra querida casa blanca sin intención de regresar aquí, resignados a invernar si fuese preciso en ese pequeño trozo de acantilado y respirando a pleno pulmón el aire puro y vivificante del mar. Se está bien en Étretat, te lo aseguro, la soledad es dulce en esta bella playa y nunca me canso de lamentar la muchedumbre abigarrada que el verano nos trae y que el viento del otoño viene a barrer cada año. La naturaleza es siempre encantadora, incluso bajo la niebla de noviembre, y cuando se levanta un trozo de ese velo para mostrarnos los barcos errantes sobre el mar, mis ojos no lamentan nada, y la capital podría seguir llamándome en vano... pero me siento culpable de decir estas cosas, pues no son del todo absolutamente ciertas. ¿Acaso no tengo parientes en Paris, amigos muy queridos? ¿No es necesario sufrir siempre por algún lado? Procuramos aferrarnos a los consuelos que tenemos a nuestro alcance y aceptamos valientemente la vida tal cual es.
      Entre mis horas más felices, mi querido Gustave, se encuentran las pasadas cara a cara con tu libro2, que no he podido ojear todavía más que por encima; pero con que placer he encontrado el encanto cautivador de estas páginas, que exhalan para mí unas fragancias tan particulares. Tú sabes ver la naturaleza y pintarla, sabes comprender el corazón humano y contar sus avatares. ¿Qué más te diré hoy? Estoy bajo los efectos de la primera emoción, voy a leer y releer este libro, y saborear lentamente, a pequeños sorbos, todo lo que contiene de exquisito. Me permito decir en voz muy alta: «¡ Gustave Flaubert es el mejor de mis amigos, el viejo compañero de mi infancia!» Esta vanidad procede del corazón. Di a tu querida madre que pienso en ella y que la quiero. Le escribiré proximamente. Ofrece también a Caroline y a su marido mis más afectuosos saludos y para tí un largo y fuerte apretón de manos.

      L.P. DE M.

      Mis hijos te envían sus saludos. Me estoy peleando con Guy por tu libro, pues pretende leerlo primero. Está encantado y quiere que te lo transmita.
      Las tres barcazas de Étretat me han gustado; gracias por el recuerdo.

      1 El doctor Achille Flaubert, hermano mayor de Gustave.
      2 La Educación Sentimental.

  Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


DE LAURE DE MAUPASSANT
A GUSTAVE FLAUBERT

      Étretat, le 26 nov. 1869.

      De moi à toi, mon vieux camarade, il ne peut être question d'excuses, et tu sais déjà que si je ne suis pas accourue tout de suite pour te dire merci, et encore merci, c'est que j'ai dû en être absolument empêchée. Il faut pourtant que je te parle de la malheureuse expédition que je viens de faire, et que je m'expose à t'entendre rire un peu beaucoup à mes dépens. Dimanche dernier, à neuf heures du matin, je me mettais en route pour Rouen avec mes deux fils, mes domestiques et mon chien, et avant-hier, à quatre heures de l'après-midi, la susdite bande faisait sa rentrée dans Étretat, l'oreille basse, et la contenance aussi piteuse qu'une armée qui vient d'essuyer une déroute.
      Qu'était-il donc arrivé ?
      Tout simplement ceci : j'avais pris peur en entendant dire dans la ville de Rouen que la fièvre typhoïde régnait un peu de tous les côtés ; mais sévissait surtout dans le lycée, c'est-à-dire à notre porte ; j'étais allée en hâte chez monsieur Achille1, et celui-ci m'avait dit sans hésitation, sans cérémonie : « Allez-vous-en, emmenez vos fils le plus vite possible ; et ne revenez que lorsque je vous rappellerai. » Tu me connais, et tu t'imagines bien que je ne me suis pas fait répéter l'avis ; le lendemain matin nous étions tous en chemin de fer, roulant à toute vapeur vers notre chère maison blanche. Nous voici donc de retour ici, bien résignés à hiverner s'il le faut dans ce petit trou de falaise, et respirant à pleine poitrine l'air pur et vif de la mer. On est bien à Étretat, je te l'affirme, la solitude est douce sur cette belle plage, et il ne m'arrive jamais, quant à moi, de regretter la foule bigarrée que l'été nous amène et que le vent d'automne vient balayer chaque année. La nature est toujours charmante, même sous le brouillard de novembre, et quand elle soulève ici un coin de son voile pour nous montrer les barques errantes sur la mer, mes yeux ne regrettent rien, et votre grande capitale pourrait bien m'appeler en vain... mais j'ai tort de dire ces choses, car elles ne sauraient être absolument vraies. N'ai je point à Paris des parents, des amis bien-aimés ? Ne faut-il pas toujours souffrir par quelque côté ? Tâchons seulement de nous cramponner aux consolations qui sont à notre portée, et acceptons bravement la vie telle qu'elle est.
      Parmi mes bonnes heures, mon cher Gustave, se placent celles passées en tête-à-tête avec ton livre2, que je n'ai pu cependant parcourir encore que trop légèrement ; mais avec quel plaisir j'ai retrouvé le charme captivant de ces pages, qui exhalent pour moi des parfums tout particuliers. Tu sais voir la nature et la peindre, tu sais comprendre le cœur humain et en compter les battements ; tu passes avec une superbe aisance du gracieux au terrible ; tu fais sourire et tu fais pleurer. Que te dirais je de plus aujourd'hui ? je suis sous le coup de la première émotion, je vais lire et relire ce livre, et savourer lentement par petites gorgées tout ce qu'il contient d'exquis. Il m'est bien permis, à ce qu'il me semble, d'avoir de l'orgueil en prononçant ton nom, mon bon camarade, et de dire tout haut : Gustave Flaubert est le meilleur de mes amis, le vieux compagnon de mon enfance ! Cette vanité-là est celle qui vient du cœur. Dis à ta chère mère que je pense à elle et que je l'aime toujours. Je lui écrirai prochainement. Offre aussi à Caroline et à son mari mes plus affectueux compliments et prends pour toi une bien longue et bien cordiale poignée de main.

LE P. DE MAUPASSANT

      Mes fils t'envoient tous leurs souvenirs. Je me suis battue avec Guy pour ton livre qu'il a prétendu lire le premier. Il en est enchanté et veut que je te le dise.
      Les trois galets d'Étretat m'ont fait plaisir ; merci du souvenir.

      1 Le docteur Achille Flaubert, frère aîné de Gustave.
      2 L'Éducation sentimentale

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