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Étretat, 6 de diciembre de 1862
Te
estoy muy agradecida, mi querido Gustave, por haberme enviado Salammbô,
y un doble placer me embarga desde que he abierto el libro. Ahí veo la
demostración del recuerdo de un viejo amigo, cuyo afecto y simpatía me son
siempre tan queridos; puesto que la obra, apenas aparecida, ya era célebre, yo ya
tenía la seguridad de pasar unas horas encantadoras en medio de esta antigua
Cartago, tan bien resucitada por tu talento. Mi primer pensamiento tendría que
ser de agradecimiento; no obstante tus páginas me atraían y tenía que leerlas
e incluso volverlas a leer una vez más antes de tomar la pluma. Aquí, en el retiro de esta
casa, llevo una vida muy activa: me ocupo mucho de la educación de mis hijos, de la que soy de
momento la única responsable; luego de dar los largos paseos tan necesarios para su salud; en este momento
también la presencia de mi madre; todo esto me
sobrecarga, y mis ratos de libertad se hacen cada vez menos frecuentes. En fin,
he robado tiempo un poco de aquí, un poco de allá, y he podido conocer esa novela,
de la que en París se ha hablado tanto y tan alto que todos los ecos de
nuestros acantilados la han propagado. Antes de darte mi humilde opinión de
provinciana, antes de aportar mi granito de arena, me permitirás decirte
que tus éxitos de hoy, tanto como los de ayer, me transportan siempre al pasado,
donde busco el recuerdo de nuestro pobre Alfred, que tú no has olvidado
jamás. ¿No te parece, como a mí, que él tiene algo que ver en todo esto, que
le corresponde una parte, que sería el primero en congratularse de tus éxitos?
Puedo contarte todo esto y estoy segura que estarás de acuerdo en que él
permanece en nuestros queridos recuerdos y que siempre tendrá en ellos el lugar
más privilegiado en vez de desvanecerse con el tiempo.
A mi anciana madre y a mi, nos complace evocar
el pasado en nuestras largas veladas de otoño, y las horas van pasando
lánguidamente, pero no están desprovistas de cierto encanto. Durante algunos
días Salammbô no nos ha permitido la distracción de conversar; tras
finalizar la cena, nos juntamos alrededor del fuego, tomo el libro y comienzo su
lectura. Mi hijo Guy es el más absorto; tus descripciones, tan graciosas a
menudo, tan terribles otras veces, le procuran un brillo a sus ojos negros, y
creo ciertamente que el fragor de las batallas y los bramidos de los elefantes
resuenan en sus oídos. No es necesario que te diga que comencé a leer la
obra sola. La leo ahora para los demás y para mí también, y es probable que la
vuelva a leer de nuevo otra vez más. Tu heroína es, a mi parecer, una
creación de sorprendente originalidad y creo que la has modelado con rayos de
luna. En torno a esta mujer, semi-diosa, e impregnada de un misterioso perfume,
se desarrolla una acción potente, grandiosa, terrible. Se asiste a las escenas
que describes, alcanzándolas con los dedos, y mientras por fin se llega a la
caída de Mâtho, cuando su corazón aún palpitante es ofrendado al sol,
hay que cerrar los ojos bajo el peso de un indecible espanto. Creo que es
Ribera, quién te ha prestado sus pinceles y harás bien en conservarlos, pues a
nadie mejor que a tí podrían servirle. Algunos extranjeros, que todavía
permanecen aquí, llaman a mi puerta para que les preste Salammbô; todos
quieren leerlo; no he dejado aún el libro a nadie... para no provocar celos.
Tu querida madre ha sabido ya, por la mía, una
serie de chismorreos que me han afectado; pero a todos vosotros, a mis buenos y
viejos amigos de siempre quiero decirles lo siguiente: Sufro mucho, lo sabéis;
sin embargo soy de esas que saben tomar una resolución, y espero que me
conozcáis, que me estiméis los suficiente para que no haga falta que os diga
que esta resolución es irrevocable2, que sabré mantener mi vida con dignidad.
Me encuentro muy bien en mi pequeño pueblo, en mi modesta casa, y esta
tranquilidad presente constituye una especie de bálsamo de felicidad. Mis hijos
crecen y se desarrollan; el mayor es casi un hombre por su inteligencia, y me
veo obligada a trabajar con él, yo, que no soy más que una ignorante. Me
sumerjo en el estudio con ardor; me divierte y me hace bien. Mi residencia se ha
engalanado este año; he hecho pintar la casa totalmente de blanco, y tengo
ahora un gran jardín que da justo a la carretera que va a Fécamp. Espero que
la señora Flaubert no tenga razón, el verano próximo, privándonos de su
visita; mi madre cuenta con vosotros y os ruega que no nos privéis de la
alegría que nos proporciona vuestra presencia.
Con un gran apretón de manos me despido, mi
querido Gustave, manifestándote una nueva y sincera confirmación de mi cariño
para ti y los tuyos.
LE POITTEVIN DE MAUPASSANT
Abrazos de mis hijos para la amable Caroline, y saludos de mi madre para los tres.
1
Laure Le Poittevin, nacida el 28 de septiembre de 1821, se casa en 1846 con
Gustave de Maupassant, con el que tiene dos hijos, Guy y Hervé. Tras algunos
años de vida coyugal, se separa de su marido y muere en Niza el 8 de diciembre
de 1903.
2 Se refiere, sin duda, al hecho de su separación matrimonial (N. del T.)
Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant
DE
LAURE DE MAUPASSANT1
A GUSTAVE FLAUBERT
Étretat,
le 6 décembre 1862.
Je te sais bien bon gré, mon cher Gustave, de m'avoir envoyé Salammbô, et
c'est sous l'impression d'un double plaisir que j'ai tout d'abord ouvert ce
livre. J'y voyais la preuve du souvenir d'un vieux camarade, dont l'affection et
les sympathies me sont toujours chères ; puis l'œuvre à peine parue était
déjà célèbre, et j'avais la certitude de passer des heures charmantes au
milieu de cette antique Carthage si bien ressuscitée par tes soins. Ma
première pensée aurait dû être de te remercier ; mais tes pages m'attiraient
et il m'a fallu les lire et encore les relire avant de prendre la plume. Je
mène ici, au fond de mon ermitage, une vie fort active : l'éducation de mes
fils, dont je suis à l'heure qu'il est seule responsable, m'occupe beaucoup ;
puis les longues promenades nécessaires à leur santé ; puis en ce moment la
présence de ma mère ; tout cela me surcharge, et mes heures de liberté se
font de plus en plus rares. Enfin, j'ai rogné un peu d'un côté, un peu de
l'autre, et j'ai pu faire connaissance avec ce roman, dont Paris a déjà parlé
tant et si haut que tous les échos de nos falaises en ont retenti. Avant de te
donner mon humble avis de provinciale, avant de t'apporter mon pauvre petit
grain d'encens, tu me laisseras te dire que tes succès d'aujourd'hui, aussi
bien que tes succès d'hier, me reportent toujours dans le passé, où je vais
chercher le souvenir de notre pauvre Alfred, que, toi non plus, tu n'as point
oublié. Est-ce qu'il ne te semble pas, comme à moi, qu'il lui revient quelque
chose de tout cela, qu'il en a sa part, celui qui le premier a si bien applaudi
à tes succès de jeune homme ? - Je puis bien te dire ces choses, et tu
trouveras aussi, j'en suis sûre, qu'il est de chères mémoires qui se font
toujours une place plus grande, au lieu de s'en aller avec le temps. Ma bonne
vieille mère et moi, nous aimons à évoquer tout le passé, dans nos longues
veillées d'automne, et les heures s'en vont d'une façon un peu mélancolique,
mais qui n'est point dépourvue d'un certain charme. Depuis quelques jours
Salammbô ne nous a pas laissé le loisir de causer ; aussitôt le dîner fini,
nous nous groupons autour du feu, je prends le livre et je commence la lecture.
Mon fils Guy n'est pas le moins attentif ; tes descriptions, si gracieuses
souvent, si terribles parfois, tirent des éclairs de ses yeux noirs, et je
crois vraiment que le bruit des batailles et les hurlements des éléphants
retentissent à ses oreilles. Il va sans dire que j'ai commencé par lire seule
l'œuvre tout entière, je relis pour les autres et aussi pour moi, et il est
tout probable que je recommencerai plus d'une fois encore. Ton héroïne est, à
mon avis, une création d'une originalité saisissante, et je crois que tu l'as
pétrie avec les rayons de la lune. Autour de cette femme, quasi-déesse, et
tout imprégnée d'un mystérieux parfum, se déroule l'action puissante,
grandiose, terrible. On assiste aux scènes que tu décris, on les touche du
doigt, et lorsqu'à la fin on arrive à voir tomber Mâtho, quand ce cœur tout
vivant est offert au soleil, on ferme les yeux sous le poids d'une indicible
épouvante. C'est Ribéra, je crois, qui t'a prêté ses pinceaux, et tu feras
bien de les conserver, car nul ne saurait s'en servir comme toi. Les quelques
étrangers qui sont encore ici assiègent ma porte pour que je leur prête
Salammbô ; tous veulent lire Salammbô ; je n'ai encore confié le livre à
personne... pour ne pas faire de jaloux.
Ta chère mère a déjà appris, par la mienne, une partie des
misères qui ont pesé sur moi ; mais à nous tous, mes vieux et bons amis
d'autrefois, je veux dire encore quelques mots. J'ai beaucoup souffert, vous
l'aven compris ; cependant je suis de celles qui savent prendre une résolution,
et j'espère que vous me connaissez, que vous m'estimes assez, pour qu'il me
soit inutile de vous dire que cette résolution est à tout jamais irrévocable,
et que je saurai conserver la dignité de ma vie. Je me trouve très bien dans
mon joli village, dans ma modeste maison, et cette tranquillité présente
constitue une espèce de bonheur. Mes enfants grandissent et se développent ;
l'aîné est presque un homme par l'intelligence, et je suis obligée de
travailler avec lui, moi qui ne suis plus qu'une ignorante. Je me remets à
l'étude avec ardeur ; cela m'amuse et me fait du bien. Ma demeure s'est fort
embellie cette année ; j'ai fait peindre ma maison tout en blanc, et j'ai
maintenant un grand jardin qui va jusqu'à la route de Fécamp. J'espère bien
que Madame Flaubert ne trouvera pas de raison, l'été prochain, pour nous
priver de sa visite ; ma mère compte sur vous tous, et vous ne voudrez point
nous priver de la joie que nous apportera votre présence.
C'est avec une bonne poignée de main que je te dis adieu, mon cher Gustave, et
j'y joins une nouvelle et vive assurance de mon attachement pour toi et les
tiens.
LE
POITTEVIN DE MAUPASSANT
Embrassades de mes fils pour la gentille Caroline, et amitiés de ma mère pour vous trois2.
1
Laure Le Poittevin, née le 28 septembre 1821, épousa en 1846 Gustave de
Maupassant, dont elle eut deux fils, Guy et Hervé. Après quelques années de
vie conjugale, elle se sépara de son mari et mourut à Nice le 8 décembre
1903.
2 Cf. réponse de Flaubert, Correspondance (éd. Conard, tome V, 1929, N° 749).
Puesto en formato html por Thierry Selva: http://maupassant.free.fr/