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Guy de Maupassant

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A GUSTAVE FLAUBERT
(original en francés)

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      MINISTERIO DE LA MARINA
Y DE LAS COLONIAS

París, 10 de diciembre de 1877

      Hace mucho tiempo que quería escribirle, mi bien amado Maestro, pero  ¡¡¡ la política !!! me ha impedido hacerlo. La política me impide trabajar, salir, pensar, escribir. Soy como los indiferentes que se vuelven los más apasionados, y como los pacíficos que se transforman en feroces. París vive en una fiebre atroz y yo tengo esta fiebre detenida, suspendida como ante un derrumbamiento, he acabado de reír y estoy colérico por las buenas. La irritación que provocan los canallescos manejos de estos pordioseros es tan intensa, continua y penetrante que a uno le obsesiona a todas horas, le acosa como picaduras de mosquitos, le persigue hasta en los versos y sobre el vientre de las mujeres. La paciencia desaparece ante la estupidez criminal de este cretino. Como este general que, mientras ha ganado una batalla gracias a su tontería personal combinada con las fantasías del azar; que después perdió dos que pasaron a la historia, probando a utilizar de nuevo la maniobra que dicho azar había ejecutado tan bien la primera vez; coo  tiene derecho a llamarse, duque de Magenta, gran duque de Riehcsoffen y archiduque de Sedan, o, bajo pretexto del peligro de que los imbéciles corrían estando gobernados por los más inteligentes que ellos,  arruinado a los pobres (los únicos que se arruinan), parando todo el trabajo intelectual de un país, exasperando a los pacíficos y aguijoneando la guerra civil como los miserables toros que se vuelven furiosos en los circos de España!
      Parece que hago frases - tanto mejor. - Solicito la supresión de las clases dirigentes: de estos ramilletes de bellos caballeros estúpidos que retozan en las faldas de esta vieja zorra devota y tonta que se llama buena sociedad. Ellos meten el dedo en su viejo culo murmurando que la sociedad está en peligro, que la ¡ libertad de pensamiento los amenaza !
      Pues bien - encuentro ahora que el 93 fue dulce: que los revolucionarios de septiembre han sido clementes: que Marat es un cordero, Danton un conejo blanco, y Robespierre una tórtola. Puesto que las viejas clases dirigentes son tan inteligentes hoy como antes, tan incapaces de dirigir mejor hoy que entones; tan viles, tramposas y molestas hoy como antaño, se hace necesario suprimir las clases dirigentes hoy como entonces; y ahora a los bellos caballeros cretinos con las bellas damas díscolas. ¡Oh! Radicales, vosotros que usáis a menudo el telegrama en lugar del cerebro, libradnos de los redentores y los militares que no tienen en la cabeza más que una eterna canción y agua bendita.
      He aquí 8 días que no he podido trabajar, tan exasperado estoy por el estruendo que me hacen en los oídos las maquinaciones de estos odiosos figurones.
      Por tanto habré acabado de rehacer mi drama1, hacia el 15 de enero. En fin, lo someteré un poco de tiempo antes de su regreso. Estoy planeando una novela que comenzaré tan pronto termine mi drama.
      Y (por encima) Hugo, - nuestro poeta, - que ha invitado a cenar a todos los periodistas de Paris. Y que pide tener después de él a Sarcey y Vitu, los que no se dignan a venir. «Se nota su ausencia y se les añora»2 
      ¡ Estaba allí Albert Delpit ! ¡Cerdos! y cien desconocidos que Hugo ha tratado de grandes artistas. Lea su discurso, por otra parte. Mierda para la sociedad.
      No estoy mal, a pesar de todo, y le abrazo esperando charlar pronto con usted.

GUY DE MAUPASSANT

      Mi carta, pese a que quizás no tiene demasiado sentido común, os demostrará siempre que pienso a menudo en usted.
Saludos al bueno de Laporte.
      Pienso, después de su última carta, que la señora Commanville está en París y yo trataré de verla mañana.

1 La Trahison de la Comtesse de Rhune.
2. El 11 de diciembre de 1877, Victor Hugo, con ocasión de la representación de Hernani, había ofrecido a los peridodistas y a los actores que representaban la obra, un banquete en el Gran Hoel.- La resente carta, fechada el 10 de diciembre, no debió ser terminada hasta el día siguiente o el posterior.

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A GUSTAVE FLAUBERT

MINISTÈRE DE LA MARINE
ET DES COLONIES

Paris, 10 décembre 1877.

      Il y a longtemps que je veux vous écrire, mon bien-aimé Maître, mais la politique !!! m'a empêché de le faire. La politique m'empêche de travailler, de sortir, de penser, d'écrire. Je suis comme les indifférents qui deviennent les plus passionnés, et comme les pacifiques qui deviennent féroces. Paris vit dans une fièvre atroce et j'ai cette fièvre tout est arrêté, suspendu comme avant un écroulement, j'ai fini de rire et suis en colère pour de bon. L'irritation que causent les manœuvres scélérates de ces gueux est tellement intense, continuelle, pénétrante, qu'elle vous obsède à toute heure, vous harcèle comme des piqûres de moustiques, vous poursuit jusque dans les vers et sur le ventre des femmes. La patience vous échappe devant l'imbécillité criminelle de ce crétin. Comment, ce général qui, jadis a gagné une bataille grâce à sa bêtise personnelle combinée avec les fantaisies du hasard ; qui, depuis, en a perdu deux qui resteront historiques, en essayant de refaire à lui tout seul la manœuvre que le susdit hasard avait si bien exécutée la première fois ; qui a droit à s'appeler, aussi bien que duc de Magenta, grand-duc de Reichshoffen et archiduc de Sedan, ou, sous prétexte du danger que les imbéciles courraient à être gouvernés par de plus intelligents qu'eux, a ruiné les pauvres (les seuls qu'on ruine), arrêté tout le travail intellectuel d'un pays, exaspéré les pacifiques et aiguillonné la guerre civile comme les misérables taureaux qu'on rend furieux dans les cirques d'Espagne !
      J'ai l'air de faire des phrases - tant pis. - Je demande la suppression des classes dirigeantes : de ce ramassis de beaux messieurs stupides qui batifolent dans les jupes de cette vieille traînée dévote et bête qu'on appelle la bonne société. Ils fourrent le doigt dans son vieux cul en murmurant que la société est en péril, que la liberté de pensée les menace !
      Eh bien - je trouve maintenant que 93 a été doux ; que les Septembriseurs ont été cléments : que Marat est un agneau, Danton un lapin blanc, et Robespierre un tourtereau. Puisque les vieilles classes dirigeantes sont aussi inintelligentes aujourd'hui qu'alors, aussi incapables de diriger aujourd'hui qu'alors ; aussi viles, trompeuses et gênantes aujourd'hui qu'alors, il faut supprimer les classes dirigeantes aujourd'hui comme alors ; et noyer les beaux messieurs crétins avec les belles dames catins. Ô Radicaux, quoi que vous ayez bien souvent du petit bleu à la place de cervelle, délivrez-nous des sauveurs et des militaires qui n'ont dans la tête qu'une ritournelle et de l'eau bénite.
      Voilà 8 jours que je ne puis plus travailler, tant je suis exaspéré par le bourdonnement que me font aux oreilles les machinations de ces odieux cuistres.
      Pourtant j'aurai achevé de refaire mon drame1 (tout à fait remanié), - vers le 15 janvier. Enfin, je vous le soumettrai peu de temps après votre retour. J'ai fait aussi le plan d'un Roman que je commencerai aussitôt mon drame terminé.
      Et (par dessus tout) Hugo, - notre poète, - qui donne à dîner à tous les journalistes de Paris. Et qui demande à avoir auprès de lui Sarcey et Vitu, lesquels ne daignent pas venir. « On remarque leur absence et on les regrette »2.
      Il y avait là Albert Delpit ! Cochinat ! et cent inconnus que Hugo a traités de grands artistes. Lisez son discours, du reste. Merde pour la société.
Je ne vais pas mal, malgré tout, et vous embrasse en espérant causer bientôt avec vous.

GUY DE MAUPASSANT

Ma lettre n'a peut-être pas le sens commun, elle vous prouvera toujours que je pense souvent à vous.
Compliments au bon Laporte.
Je pense d'après votre dernière lettre, que Madame Commanville est à Paris et je tâcherai de la voir demain.

1 La Trahison de la Comtesse de Rhune.
2 Le 11 décembre 1877, Victor Hugo, à l'occasion de la reprise d'Hernani, avait offert aux journalistes et aux comédiens qui jouaient la pièce, un banquet au Grand-Hôtel. - La présente lettre, datée du 10 décembre, n'a dû être terminée que le lendemain ou le surlendemain.

 

Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/