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Guy de Maupassant

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A GUSTAVE FLAUBERT
(original en francés)

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MINISTERIO DE LA MARINA
Y DE LAS COLONIAS

París, 21 de agosto de 1878

      No le he escrito, mi querido Maestro, porque estoy completamente abatido moralmente. Durante tres semanas me dediqué a trabajar todas las noches sin haber podido escribir una página propia. Nada de nada. De modo que desciendo poco a poco en las negruras de tristeza y de desaliento de las que tendré muchos problemas para salir. Mi ministerio me destruye poco a poco. Después de mis siete horas de trabajos administrativos, no puedo más que tenderme un buen rato para rechazar todas las fatigas que me colman el espíritu.
      Incluso he intentado escribir algunas crónicas para Le Gaulois a fin de procurarme algunos céntimos. No he podido. No encuentro una línea y he acabado por llorar sobre el papel. Además todo va mal a mi alrededor. Mi madre, que ha regresado a Étretat, tras dos meses aproximadamente, no va en absoluto mejor. Su corazón sobre todo la hace sufrir mucho, y ha tenido unos síncopes muy inquietantes. Está tan debilitada que incluso no me escribe, y apenas cada quince días, recibo unas palabras que ella dicta a su jardinero.
      Cuenta siempre con la visita del señor y la señora Commanville a comienzos de octubre, y espera también que uste vaya a pasar algunos días cerca de ella. Esto la distraería y le haría mucho bien. Espero, para pedir mis quince días de vacaciones, que usted me diga si podrá, como la señora Commanville, estar libre en esta época.
      Nuestra amiga la señora Brainne no se divierte demasiado en Plombières. Me ha escrito de vez en cuando y yo le envío muchas historias que no son siempre muy decentes, pero que, al menos, pueden animarla. 
      Suzanne Lagier viene a verme alguna vez al ministerio; está poniendo de patas arriba todo París para interpretar a Gervaise. Es bromista, pero monótona, y su personalidad de diva tiene en su espíritu un sitio desmesurado.
      ¿Como es que Zola no ha sido condecorado después de la promesa del señor Bardoux? La cuestión ha hecho ruido, por otra parte, ya que los periódicos habían anunciado su condecoración. Debo pronto ir a pasar un domingo a su casa; Iré a ver que me dice. Estoy seguro de que está muy molesto. ¿Qué necesidad tenía de esto?
      He encontrado a Tourgueneff unos días antes de su viaje a Rusia, y le he visto triste e inquieto. Algunos problemas que había tenido su corazón le habían decidido a consultarlos, y el médico le ha confirmado una enfermedad del ventrículo izquierdo. Todo el mundo tiene por lo visto el corazón deteriorado.
      En cuanto a mí, estoy todavía sin blanca. La Facultad cree ahora que no hay nada de sífilis en mi asunto, pero que debo tomar baños de vapor, lo que hasta ahora no me ha hecho nada. Pero este tratamiento, unido a las tisanas amargas, siropes y aguas minerales de mesa, ha devorado el poco dinero que había ahorrado para mi verano. Así, siempre el mismo resultado.  Espero, para confusión de los médicos, que no seguiré otro.
      Le abrazo de todo corazón, mi querido Maestro, y le ruego que me escriba algunas palabras entre dos frases de B. y P.
      Le estrecho las manos.

      GUY DE MAUPASSANT

      Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A GUSTAVE FLAUBERT

MINISTÈRE DE LA MARINE
ET DES COLONIES

Paris, ce 21 août 1878.

      Je ne vous écrivais point, mon cher Maître, parce que je suis complètement démoli moralement. Depuis trois semaines j'essaye à travailler tous les soirs sans avoir pu écrire une page propre. Rien, rien. Alors je descends peu à peu dans des noirs de tristesse et de découragement dont j'aurai bien du mal à sortir. Mon ministère me détruit peu à peu. Après mes sept heures de travaux administratifs, je ne puis plus me tendre assez pour rejeter toutes les lourdeurs qui m'accablent l'esprit. J'ai même essayé d'écrire quelques chroniques pour Le Gaulois afin de me procurer quelque sous. Je n'ai pas pu. Je ne trouve pas une ligne et j'ai envie de pleurer sur mon papier. Ajoutez à cela que tout va mal autour de moi. Ma mère, qui est retournée à Étretat depuis deux mois environ, ne va nullement mieux. Son cœur surtout la fait beaucoup souffrir, et elle a eu des syncopes fort inquiétantes. Elle est tellement affaiblie qu'elle ne m'écrit même plus, et c'est à peine si, tous les quinze jours, je reçois un mot qu'elle dicte à son jardinier.
      Elle compte toujours sur la visite de M. et Mme Commanville au commencement d'octobre, et elle espère aussi que vous voudrez bien venir passer quelques jours près d'elle. Cela la distrairait et lui ferait beaucoup de bien. J'attends, pour demander mes quinze jours de congé, que vous m'ayez répondu si vous pourrez, ainsi que Mme Commanville, être libre à cette époque.
      Notre amie Mme Brainne ne s'amuse guère à Plombières. Elle m'écrit de temps en temps et je lui envoie beaucoup d'histoires qui ne sont pas toujours très convenables, mais qui, du moins, peuvent l'égayer.
      Suzanne Lagier vient quelquefois me voir à mon ministère ; elle met tout Paris en mouvement pour jouer Gervaise. Elle est bien farce, mais monotone, et sa personnalité de cabotine tient dans son esprit une place démesurée.
      Comment se fait-il que Zola n'ait point été décoré, après la promesse de M. Bardoux ? La chose a fait du bruit, du reste, car tous les journaux avaient annoncé sa décoration. Je dois bientôt aller passer un dimanche chez lui ; j'ai envie de voir ce qu'il m'en dira. Je suis sûr qu'il est très embêté. Qu'avait-il besoin de cela ?
      J'ai rencontré Tourgueneff quelques jours avant son départ pour la Russie, et je l'ai trouvé triste et inquiet. Quelques accidents qu'il avait eus au cœur l'avaient décidé à consulter, et le médecin avait constaté une maladie du ventricule gauche. Tout le monde a donc le cœur détérioré.
      Quant à moi, je suis toujours déplumé. La Faculté croit maintenant qu'il n'y a rien de syphilitique dans mon affaire, mais que j'ai un rhumatisme constitutionnel qui a d'abord attaqué l'estomac et le cœur, puis, en dernier lieu, la peau. On me fait prendre des bains de vapeur en boîte, ce qui, jusqu'ici, ne m'a rien fait. Mais ce traitement, joint aux tisanes amères, sirops et eaux minérales de table, a mangé le peu d'argent que j'avais mis de côté pour mon été. Ça, c'est toujours un résultat. J'espère, pour la confusion des médecins, que je n'en obtiendrai pas d'autre.
      Je vous embrasse de grand cœur, mon cher Maître, et vous prie de m'écrire quelques mots entre deux phrases de B. et P.
      Je vous serre encore les mains.

      GUY DE MAUPASSANT

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