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Guy de Maupassant

Carta: 180
A CAROLINE COMANNVILLE
(original en francés)

Caroline Commanville  Carta Siguiente: 181

      Viernes [24 de mayo de 1880]

      Querida Señora,
      Su carta me ha hecho muy bien, ,pues me encuentro en un estado moral verdaderamente abatido. Cuanto más la muerte del pobre Flaubert se aleja, más me acosa su recuerdo, más siento el corazón dolorido y el alma aislada. Su imagen está sin cesar ante mí, yo lo veo en pie, en su gran bata marrón que se ampliaba cuando elevaba los brazos al hablar. Todos sus gestos me vienen, todas sus entonaciones me persiguen, y las frases que tenía costumbre de decir están en mis oídos como si las hubiese pronunciado todavía. Es el comienzo de las duras separaciones, de esa desgarradura de nuestra existencia, donde desaparecen los unos tras los otros, todas las personas a las que amamos, quiénes estaban en nuestros recuerdos, con las que podíamos hablar mejor de cosas íntimas.
      Estos golpes nos martirizan el alma y dejan un sufrimiento continuo que se instala en todos nuestros pensamientos.
Mi pobre madre, allá sola, quedó muy afectada, y parece que se encerró completamente sola en su habitación, durante dos días enteros, llorando. Para ella, fue el último viejo amigo desaparecido; le queda la vida de ahora en adelante sin el eco de todos los buenos recuerdos de su juventud; ya no va a poder recitar jamás con nadie esta « letanía de : ¿Recuerda usted? »
      Siento en este momento, de un modo intenso, la inutilidad de vivir, la esterilidad de todo esfuerzo, la repugnante monotonía de los acontecimientos y de los sucesos de este aislamiento moral en el que todos vivimos, pero del que sufría menos cuando podía charlar con él; pues tenía, como nadie, ese sentido de los filósofos que abre todos los horizontes, os elevaba el espíritu a las grandes alturas desde donde se contempla la humanidad entera, desde donde se comprende la «eterna miseria de todo ».
      Así son, señora, las cosas tristes, pero las cosas tristes son más valiosas, a pesar del corazón afligido, que las cosas indiferentes.
      Si el señor Commanville viene por casualidad a París, estaré encantado de hablar con él. La razón es la siguiente. Lapierre ha comenzado atolondradamente la colecta1 que ahora se encuentra detenida e incluso amenazada de ser echada a perder por culpa de esa diligencia un tanto desconsiderada.  Todos los días unos amigos de Flaubert vienen a hablarme y me preguntan que va usted a hacer. Creo que, para que salga bien, sería necesario organizarla enseguida, con mucha seriedad. Pero para ello, hace falta conocer sus intenciones.
      Le envío, querida Señora y amiga, mi profunda, fraternal y respetuosa devoción, y dé, se lo ruego, mis mejores saludos a su marido.

      GUY DE MAUPASSANT

      1. Se refiere a una colecta iniciada para homenajear, realizando un busto, a Flaubert. (N. del T.)

  Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A CAROLINE COMANNVILLE

         Vendredi [24 mai 1880].

      Chère Madame,
      Votre lettre m'a fait du bien, car je suis dans un état moral vraiment triste. Plus la mort du pauvre Flaubert s'éloigne, plus son souvenir me hante, plus je me sens le cœur endolori et l'esprit isolé. Son image est sans cesse devant moi, je le vois debout, dans sa grande robe de chambre brune qui s'élargissait quand il levait les bras en parlant. Tous ses gestes me reviennent, toutes ses intonations me poursuivent, et des phrases qu'il avait coutume de dire sont dans mon oreille comme s'il les prononçait encore. C'est le commencement des dures séparations, de ce dépècement de notre existence, où disparaissent l'une après l'autre toutes les personnes que nous aimions, en qui étaient nos souvenirs, avec qui nous pouvions causer le mieux des choses intimes.
Ces coups-là nous meurtrissent l'esprit et y laissent une souffrance continue qui demeure en toutes nos pensées.
      Ma pauvre mère, là-bas, a été bien frappée, et il paraît qu'elle est restée toute seule enfermée dans sa chambre pendant deux jours entiers, pleurant. Pour elle, c'est le dernier vieil ami disparu ; c'est la vie désormais sans écho de tous les bons souvenirs de sa jeunesse ; c'est ne plus jamais pouvoir réciter avec personne cette « llitanie des : Vous en souvient-il ? »
       Je sens en ce moment d'une façon aiguë l'inutilité de vivre, la stérilité de tout effort, la hideuse monotonie des événements et des choses et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous, mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui ; car il avait, comme personne, ce sens des philosophies qui ouvre sur tout des horizons, vous tient l'esprit aux grandes hauteurs d'où l'on contemple l'humanité entière, d'où l'on comprend l'« éternelle misère de tout ».
      Voilà, madame, des choses tristes, mais les choses tristes valent mieux, lorsqu'on a le cœur affligé, que les choses indifférentes.
      Si M. Commanville venait par hasard à Paris, je serais bien aise de causer avec lui. Voici pourquoi. Lapierre a commencé étourdiment la souscription qui se trouve maintenant arrêtée et même menacée d'être manquée par suite de cet empressement un peu inconsidéré. Tous les jours des amis de Flaubert viennent m'en parler et me demandent ce que vous allez faire. Je crois que, pour réussir, il faudrait organiser cela tout de suite, très sérieusement. Mais, pour cela, il faut connaître vos intentions.
      Croyez, chère Madame et amie, à mon dévouement respectueux, profond et fraternel, et présentez, je vous prie, mes meilleurs compliments à votre mari.

GUY DE MAUPASSANT

      Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/