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Guy de Maupassant

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A LUCIE LE POITTEVIN
(original en francés)

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Ajaccio, viernes [octubre de 1880]

      He tardado bastante, mi querida prima, y hace mucho tiempo que debería haberte escrito para agradecerte tu amable hospitalidad. Pero después de mi marcha de Étretat, he vivido de un modo tan caótico que no he encontrado tiempo ni de escribir un mensaje de diez líneas.
      Estoy en Córcega desde hace un mes, y salgo en ocho días, avisado mediante un comunicado para lanzar nuestro periódico « La Comédie humaine » que por fin se ha fundado. Mi madre parece muy triste al verme marchar, tanto o más que tiene en este momento un verdadero dolor moral que ha quebrantado completamente de nuevo su salud. Hervé se ha comportado con ella como un miserable, exigiéndole dinero por un despacho telegráfico para pagar sus deudas, después de negarse a reengancharse, contrayendo nuevas deudas en Paris y poniendo condiciones... Le he enviado 300 francos que ni me ha agradecido ni acusado recibo. Si te digo todas estas cosas, es porque mi madre le envía a Étretat donde le alimentará durante 3 meses, tras lo que le cortará completamente la manutención, si no encuentra un empleo en alguna parte. Ella te ruega mantener a Hervé a distancia y sobre todo no le prestes dinero, pues no tiene más que una idea, pedir prestado a todo el mundo. Tengo mucho miedo de que este último disgusto no sea fatal para mi madre y que no ser recupere jamás. Estaría ahora curada sin la estúpida y odiosa conducta que Hervé mantiene hace dos años. Pero ya ha sido suficiente con este pillo.
      Estaré muy agradecido a Louis de que pase por casa del nombrado F. y de decirle que me ha robado. Yo tendré mucho cuidado, cuando hable de Étretat en un artículo, de recomendar especialmente la casa de este mal ciudadano. He aquí como he sido estafado. Comprando mi reloj, no me enseño la esfera de cerca. Ahora bien, los ornamentos de arriba y abajo son estilo Louis XIV, y aplicado sobre una esfera Louis XVI. Además, el movimiento (donde falta todo el repique) es Louis XIII, de modo que, los relojes Louis XIII, no teniendo más que una aguja para indicar las horas, y las esferas Louis XVI llevando los minutos, resulta totalmente ridículo. No tengo una aguja para los minutos sobre una esfera donde éstos están indicados - eso es. He llevado esta ensalada de relojería a casa del hombre más conocido de París para reparar esta clase de cosas y se ha reído con todo su corazón. 
      Acabo de acordar con mi madre la cesión en absoluta propiedad del huerto del Grand Val. Voy entonces allí a hacer edificar un monumento suficiente para  alojarme,  hacer la cocina e incluso poner una cama donde dormirá Josèphe. (¡Ella entenderá!) ¡¡¡ Soy, por consiguiente, propietario en Étretat, y en Sartrouville !!!
      Mi llegada a Ajaccio ha sido un triunfo. Todos los periódicos de la ciudad han anunciado mi presencia en magníficos términos. Pero acabo de conmocionar a todo el partido republicano maltratando, en un artículo, al Prefecto del lugar. Parece que está exasperado. Espero la vendetta. No salgo sin un revolver son seis balas en mi bolsillo. Voy a agarrarle en nuestro periódico donde insultaremos a toda autoridad establecida, comenzando por el nombrado Dios, cuya autoridad por otra parte no me parece indiscutible.
      He hecho unas extraordinarias excursiones por las montañas. Cazo, pesco, navego a vela por el Mediterráneo, etc., etc.
      Después de un mes que llevo aquí, tuvimos dos horas de lluvia, era una tormenta que pasaba procedente de Francia. El resto del tiempo el cielo estuvo invariablemente azul. Me baño dos veces al día en el mar totalmente tibio, no sintiendo ninguna sensación de frescor al entrar. El termómetro indica 32 a la sombra toda la jornada. Eso es un clima.
      Adiós, querida prima, te beso las manos enviándote mil saludos afectuosos y pellizco en la nariz a nuestro gran pintor paisajista.

      GUY DE MAUPASSANT

 

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A LUCIE LE POITTEVIN    

Ajaccio, ce vendredi [octobre 1880].

      Je suis bien en retard, ma chère cousine, et il y a longtemps que j'aurais dû vous écrire pour vous remercier de votre aimable hospitalité. Mais depuis mon départ d'Étretat, j'ai vécu d'une façon si décousue que je n'ai point trouvé le temps d'écrire un billet de dix lignes.
      Je suis en Corse depuis bientôt un mois, et je pars dans huit jours, rappelé par dépêche pour lancer notre journal « La Comédie humaine » qui est enfin fondé. Ma mère me paraît désolée de me voir partir, d'autant plus qu'elle a en ce moment une vraie douleur morale qui a de nouveau ébranlé complètement sa santé. Hervé s'est conduit vis à vis d'elle comme un misérable, en exigeant de l'argent par dépêche télégraphique pour payer ses dettes, puis refusant de se réengager, faisant de nouvelles dettes à Paris et posant des conditions... Je lui ai envoyé 300 francs dont il ne m'a ni remercié ni accusé réception. Si je vous dis toutes ces choses, c'est que ma mère l'envoie à Étretat où elle le nourrira pendant 3 mois, après quoi, elle lui coupera complètement les vivres, s'il n'a pas trouvé à se caser quelque part. Elle vous prie instamment de tenir Hervé à l'écart et surtout de ne pas lui prêter d'argent, car il n'a plus qu'une idée, en emprunter à tout le monde. J'ai grand peur que cette dernière secousse ne soit fatale à ma mère et qu'elle ne s'en relève jamais. Elle serait guérie maintenant sans la conduite stupide et odieuse qu'Hervé mène depuis deux ans. Mais en voilà assez avec ce polisson.
      Je serais bien reconnaissant à Louis de passer chez le nommé F. et de lui dire qu'il m'a volé. J'aurai soin ; quand je parlerai d'Étretat dans une chronique, de recommander spécialement la maison de ce citoyen du derrière. Voilà comment j'ai été pris. En achetant mon horloge, je ne me suis pas fait montrer le cadran de près, bien entendu. Or les ornements du haut et du bas sont seuls du Louis XIV, et appliqués sur un cadran Louis XVI. De plus, le mouvement (où manque toute la sonnerie) est Louis XIII, de sorte que, les horloges Louis XIII n'ayant qu'une aiguille pour indiquer les heures, et les cadrans Louis XVI portant les minutes, c'est tout à fait ridicule. Je n'ai pas d'aiguille à minutes sur un cadran où elles sont marquées - voilà. J'ai porté cette salade d'horlogerie chez l'homme le plus connu de Paris pour réparer ces sortes de choses et il a ri de tout son cœur.
      Je viens de prendre un arrangement avec ma mère qui me cède en toute propriété le potager du Grand Val. Je vais donc y faire édifier un monument suffisant pour m'y loger, y faire la cuisine et même y mettre un lit où couchera Josèphe. (En entendra-t-elle !) Je suis, par conséquent, propriétaire (sic) à Étretat, et à Sartrouville !!!!!
      Mon arrivée à Ajaccio a été un triomphe. Tous les journaux de la ville ont annoncé ma venue en termes magnifiques. Mais je viens de bouleverser tout le parti républicain en maltraitant, dans une chronique, le Préfet de l'endroit. Il paraît qu'il est exaspéré. Gare la vendetta. Je ne sors plus sans un clysopompe à six pointes dans ma poche. Je vais le rattraper dans notre journal où nous insulterons toute autorité établie, à commencer par le nommé Dieu, dont l'autorité d'ailleurs ne me parait pas indiscutable..
      J'ai fait de superbes excursions dans les montagnes. Je chasse, je pêche, je canote à la voile sur la Méditerranée, etc., etc.
      Depuis un mois que je suis ici, nous avons eu deux heures de pluie, un orage qui passait venant de France. Tout le reste du temps le ciel est resté immuablement bleu. Je me baigne deux fois par jour dans la mer tellement tiède qu'on n'éprouve en entrant aucune sensation de fraîcheur. Le thermomètre marque 32 à l'ombre toute la journée. Voilà un climat.
      Adieu, ma chère cousine, je vous baise les mains en vous envoyant mille compliments affectueux, et j'embrasse sur le nez notre grand peintre paysagiste.

      GUY DE MAUPASSANT

 Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/