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Marie Bashkirtseff

Carta 320 
DE MARIE BASHKIRTSEFF
A MAUPASSANT

(Original en francés)

Guy de Maupassant  Carta siguiente: 321

  Marzo de 1884

      ¡Usted se aburre abominablemente! ¡Ah, que cruel !. Que este sea el motivo al que yo deba el honor ... que, por otro lado, llegado un momento propicio, me ha encantado.
      Es cierto que me divierto, pero no lo es que le conozca tanto; le juro que desconozco su color de piel y sus medidas y que, como hombre, no le he entrevisto más que en las líneas con las que usted me gratifica y aún a través de su malicia y pose.
      En fin, para un pesado naturalista usted no es brutal y mi respuesta sería un mundo si yo no me recatara por amor propio. No hace falta dejarle creer que todo mi enfado ya pasó.
      Tenemos primeramente que eliminar las cantinelas, si usted lo desea, lo que será un poco largo pues usted me ha colmado, ¿sabe?. Tiene usted razón... a grosso modo.
      Pero el arte consiste justamente en hacernos engullir las cantinelas en nuestro encanto eterno como lo hace la naturaleza con su eterno sol y su vieja tierra, y sus hombres creados todos sobre el mismo patrón y animados con los mismos sentimientos... Pero.... están también los músicos que no tienen más que algunos sonidos y los pintores que no tienen más que algunos colores... Del resto, usted lo sabe mejor que yo y usted quiere hacerme posar. Como no entonces, demasiado honrada...
      ¡Cantinela, así es! La madre y los prusianos en literatura y Juana de Arco en pintura.
      Ahora bien, es evidente que como relato semanal es aún bastante bueno .... ¡Y esas otras cantinelas sobre su tan lamentable oficio! Usted me toma por una burguesa que le considera un poeta y busca iluminarme. George Sand ya ha sido alabado por escribir por dinero y el laborioso Flaubert ha gemido sobre sus penas extremas. El mal que es dado se siente. Balzac nunca se quejaba de ello, y el está siempre entusiasmado con lo que iba a hacer. En cuanto a Montesquieu, si se me permite expresarlo así, su gusto por el estudio fue tan vivo que eso fue la fuente de su gloria, fue también el motivo de su felicidad, como diría la maestra de su fantástico pensionado.
      Esto de vender caro, está muy bien, pues no ha habido jamás gloria verdaderamente deslumbrante sin oro, como dijo el judío Baahron, contemporáneo de Job (fragmentos conservados por el sabio Spitzbube, de Berlin). Por lo demás todo gana estando bien flanqueado, la belleza, el genio e incluso la fe. Dios no ha venido en persona a explicar a su servidor Moisés los ornamentos de su arca, recomendando que los querubines que debían flaquearla fuesen de oro y de un trabajo exquisito.
      Así que usted se aburre y todo se lo toma con indiferencia, y no tiene un ápice de poesía ... ¡Si cree usted asustarme!
      Lo veo desde aquí: Debe usted tener un grueso abdomen, un chaleco demasiado corto, de una tela indefinida y con el último botón desabrochado. Pues me interesa usted igual. Lo único que no comprendo es como usted puede aburrirse; yo, me siento a veces triste, desanimada o rabiosa, pero aburrirme... nunca...nunca.
      ¿No es usted no es el hombre que busco? ¡Que lástima! (he aquí a la portera)... Usted sería muy amable indicándome como es aquél.
      Yo no busco a nadie, señor, y considero que los hombres solo han de ser accesorios para mujeres fuertes (la madura mujer seca)
      Finalmente, voy a contestar a sus preguntas y con una gran sinceridad, pues no me gusta jugar con la ingenuidad de un hombre genial que, después de cenar, se queda dormido fumando un cigarro.
      ¿Delgada? ¡Oh, no! Pero tampoco gorda. ¿Mundana, sentimental, novelera? ¿Cómo lo entiende usted? Me parece que hay lugar para todo esto en un mismo individuo, todo depende del momento, de la ocasión, de las circunstancias. Yo soy oportunista y sobre todo victima de los contagios morales: así que puedo llegar a ser tan poco poética como usted.
      ¿Mi perfume? El de la virtud. Vulgar nunca. Golosa, sí, o exigente más bien.
La oreja es pequeña, poco regular, pero bonita, los ojos grises. Sí, me gusta la música pero no soy pianista como debe ser su maestra. Si no estuviese casada, ¿podría leer sus abominables libros?
¿Está usted satisfecho de mi docilidad? Si lo está, desabróchese otro botón, y piense en mí mientras cae el crepúsculo... Si no... tanto mejor, yo me encuentro aquí mucho mejor, intercambiando sus falsas confidencias.
      ¿Podría preguntarle cuales son sus músicos y pintores favoritos?
      ¿Y si yo fuera un hombre?

      [Esta carta va con un boceto representando a un hombre gordo, adormecido en su butaca, bajo una palmera al borde del mar. Delante de él, una mesa, una jarra de cerveza y un puro.]

      Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


DE MARIE BASHKIRTSEFF
A MAUPASSANT

[Mars 1884.]

     Vous vous ennuyez abominablement ! Ah ! cruel !! C'est pour ne point laisser d'illusion sur le motif auquel je dois votre honorée du... qui, du reste, arrivée à un moment propice, m'a charmée. Il est vrai que je m'amuse, mais il n'est pas vrai que je vous connaisse tant que celà ; je vous jure que j'ignore votre couleur et vos dimensions et que, comme homme privé, je ne vous entrevois que dans les lignes dont vous me gratifiez et encore à travers pas mal de malice et de pose.
      Enfin, pour un pesant naturaliste vous n'êtes pas bête et ma réponse serait un monde si je ne me pondérais par amour-propre. Il ne faut pas vous laisser croire que tout mon fluide passe là.
      Nous allons d'abord liquider les rengaines, si vous voulez, ce sera un peu long car vous m'en comblez, savez-vous ? Vous avez raison... En gros.
      Mais l'art consiste justement à nous faire avaler des rengaines en nous charmant éternellement comme le fait la nature avec son éternel soleil et sa vieille terre, et ses hommes bâtis tous sur le même patron et animés d'à peu près les mêmes sentiments... Mais..., il y a ainsi les musiciens qui n'ont que quelques sons et les peintres qui n'ont que quelques couleurs... Du reste, vous le savez mieux que moi et vous voulez me faire poser. Comment donc, trop honorée...
       Rengaine, soit ! La mère aux Prussiens en littérature et Jeanne d'Arc en peinture.
      Êtes-vous vraiment sûr qu'un malin (est-ce bien ça ?) n'y trouvera pas un côté neuf et émouvant...
      Maintenant il est évident que comme chronique hebdomadaire, c'est encore assez bon et ce que j'en dis... Et ces autres rengaines sur votre si pénible métier ! Vous me prenez pour une bourgeoise qui vous prend pour un poète et vous cherchez à m'éclairer. George Sand s'est déjà vantée d'écrire pour de l'argent et le laborieux Flaubert a geint sur ses peines extrêmes. Allez, le mal qu'il s'est donné se sent. Balzac ne s'est jamais plaint de cela, et il était toujours enthousiaste de ce qu'il allait faire. Quant à Montesquieu, si j'ose m'exprimer ainsi, son goût pour l'étude fut si vif que s'il fut la source de sa gloire, il fut aussi celle de son bonheur, comme dirait la sous-maîtresse de votre fantastique pensionnat.
      Pour ce qui est de vendre cher, c'est très bien, car il n'y a jamais eu de gloire vraiment éclatante sans or, ainsi que le dit le juif Baahron, contemporain de Job (fragments conservés par le savant Spitzbube, de Berlin). Du reste tout gagne à être bien encadré, la beauté, le génie et même la foi. Dieu n'est-il pas venu en personne expliquer à son serviteur Moise les ornements de son arche, recommandant que les chérubins qui devaient le flanquer fussent en or et d'un travail exquis.
      Alors, comme ça, vous vous ennuyez, et vous prenez tout avec indifférence et vous n'avez pas pour un sou de poésie !... Si vous croyez me faire peur !
      Je vous vois d'ici, vous devez avoir un assez gros ventre, un gilet trop court en étoffe indécise et le dernier bouton défait. Eh bien, vous m'intéressez quand même. Je ne comprends pas seulement comment vous pouvez vous ennuyer ; moi je suis quelquefois triste, découragée ou enragée, mais m'ennuyer... jamais !
      Vous n'êtes pas l'homme que je cherche ? Malheur ! (la voilà la concierge) Vous seriez bien aimable en m'apprenant comment il est fait, celui-là.
      Je ne cherche personne, Monsieur, et j'estime que les hommes ne doivent être que des accessoires pour les femmes fortes (la vieille fille sèche).
      Enfin je vais répondre à vos questions et avec une grande sincérité car je n'aime pas me jouer de la naïveté d'un homme de génie qui s'assoupit après dîner enfumant son cigare.
      Maigre ? Oh ! non, mais pas grasse non plus. Mondaine, sentimentale, romanesque ? Mais comment l'entendez-vous ? Il me semble qu'il y a place pour tout cela dans un même individu, tout dépend du moment, de l'occasion, des circonstances. Je suis opportuniste et surtout victime des contagions morales : ainsi il peut m'arriver de manquer de poésie, tout comme vous.
      Mon parfum ? Celui de la vertu. Vulgo aucun. Oui gourmande, ou plutôt difficile.
      L'oreille est petite, peu régulière, mais jolie, les yeux gris. Oui, musicienne mais pas aussi pianiste que doit l'être votre sous-maîtresse. Si je n'étais pas mariée pourrai-je lire vos abominables livres ?
       Êtes-vous satisfait de ma docilité ? Si oui, défaites encore un bouton et pensez à moi pendant que le crépuscule tombe. Si non... tant pis, je trouve qu'en voilà beaucoup en échange de vos fausses confidences.
      Oserais-je vous demander quels sont vos musiciens et vos peintres ?
      Et si j'étais homme ?

      [A cette lettre est joint un croquis représentant un gros monsieur assoupi dans un fauteuil sous un palmier au bord de la mer, une table, un bock, un cigare.]

Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/