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Guy de Maupassant

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A LUCIE LE POITTEVIN
(original en francés)

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Santa Margherita1. Ligurie. Italia
[Octubre de 1889]

      Mi querida prima,
      Le escribo desde una pequeño pueblo italiano donde me he refugiado para trabajar. Es uno de los más bellos países que conozco. La tierra de Virgilio.
      Tengo un apartamento en el primer piso de una gran casa desde donde veo, de un lado, veinte leguas de costas con unos pueblos blancos a orillas del mar, y por otro la montaña. Por la parte trasera, mis ventanas abren sobre los bosques de olivos y de pinos que se extienden hasta la cima de una cota, de quinientos metros de altura y diez kilómetros distante. Las ventanas de la fachada están tan próximas al mar como las de Triel lo están al Sena. Las olas baten el camino sobre el que está construido el muro de mi domicilio.
      En cuanto a los paseos, no he hecho nunca caminatas tan bellas, tan imprevistas, tan variadas, tan encantadoras como aquí. Son duras, por ejemplo, en plena montaña, hechas para pies de cabra. Voy sin embargo a dejar este bello país dentro de algunos días para ir con mi barco a la Spezia, luego de allí, por tren a Pisa y a Florencia, donde deseo volver a ver los museos. Después volveré a Cannes a fin de evitar las fuertes ventoleras de otoño sobre esta costa que tiene pocos puertos. Es entonces a Cannes, Villa Continentale, a donde me tendrá que escribir si es necesario.
      Estaba muy preocupado dejando la casa en París con respeto a su custodia. Pensaba que usted había tomado unas disposiciones, pero parece que no es así y que la tía Chaudron no debía esforzarse. He dejado entonces a la prima de François en la habitación de éste pues había tres hoteles ocupados en nuestro barrio antes de mi marcha. En cuanto a la tía Chaudron, ella tiene el grave inconveniente de hacerse sustituir en sus tareas por unas obreras, jóvenes muchachas tomadas en el día. Esto entre nosotros. La vieja es honesta, cotilla, insoportable, pero segura. En cuanto a esas muchachas que trabajan un día aquí y otro allá y a las que encargaba a menudo, el último año, la limpieza, no me inspiran ninguna confianza. Y yo le he quitado las llaves por esta razón. Además como ella no dormía este año en su casa, la guardia nocturna no estaba asegurada.
      Dígame si Louis trabaja y si está contento con su tarea. En cuanto a mí, no hago gran cosa, el país es demasiado bonito, el sol demasiado brillante, el aire demasiado dulce. Me paseo.
      He encontrado a Hervé absolutamente loco, sin una chispa de razón y no dejándonos demasiadas esperanzas de curación, lo que mi madre ignora. Las dos horas que he pasado con él en la residencia de Bron han sido terribles, pues me reconoció perfectamente, lloró, me abrazó cien veces y quería marchar, siempre divagando. Mi madre no puede casi caminar y no habla mucho; vea pues como va todo.
      Adiós, mi querida prima, le beso las manos muy afectuosamente, y le estrecho muy cordialmente las de Louis.

      GUY DE MAUPASSANT

1 Maupassant hacía un crucero sobre las costas italianas no teniendo a bordo del Bel-Ami más que a su ayuda de cámara François, y a sus dos marineros, Bernard y Raymond.

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A LUCIE LE POITTEVIN    

Santa Margherita1. Ligurie, Italie
[Octobre 1889.]

      Ma chère cousine,
      Je vous écris d'une petite ville italienne où je me suis réfugié pour travailler. C'est un des plus jolis pays que je connaisse. La terre de Virgile.
J'ai un appartement au premier étage d'une grande maison d'où je vois d'un côté vingt lieues de côtes avec des villages blancs au bord de la mer, d'autres sur la montagne. Par derrière, mes fenêtres ouvrent sur les bois d'oliviers et de pins qui s'étendent jusqu'au sommet d'une côte, haute de cinq cents mètres et distante de dix kilomètres. Mes fenêtres de façade sont aussi proches de la mer que celles de Triel étaient proches de la Seine. La vague bat le chemin sur lequel est construit le mur de ma demeure.
      Quant aux promenades, je n'en ai jamais fait d'aussi jolies, d'aussi imprévues, d'aussi variées, d'aussi ravissantes qu'ici. Elles sont dures, par exemple, en pleine montagne, faites pour des pieds de chèvre. Je vais cependant quitter ce joli pays dans quelques jours pour aller avec mon bateau à la Spezia, puis de là, par chemin de fer à Pise et à Florence, dont je veux revoir les musées. Puis je retournerai à Cannes afin d'éviter les gros coups de vent d'automne sur cette côte qui a fort peu de ports. C'est donc à Cannes, Villa Continentale, que vous auriez à m'écrire, si besoin.
      J'étais fort embarrassé en quittant la maison à Paris au sujet de la garde. Je pensais que vous aviez pris des dispositions, mais il paraît que non et que la mère Chaudron ne devait pas coucher. J'ai donc laissé la cousine de François dans la chambre de François, car il y a encore eu trois hôtels pillés dans notre quartier avant mon départ. Quant à la mère Chaudron, elle a le grave danger de se faire remplacer dans ses besognes par des ouvrières, jeunes filles prises à la journée. Cela entre nous. La vieille est honnête, bavarde, insupportable, mais sûre. Quant à ces jeunes filles qui travaillent un jour ici et un jour là et qu'elle chargeait souvent, l'an dernier, de ses nettoyages, elles ne m'inspiraient aucune confiance. Et je lui ai enlevé mes clefs pour cette raison. D'ailleurs comme elle ne couchait pas cette année chez vous, la garde de nuit n'était pas assurée.
      Dites-moi si Louis travaille et s'il est content de sa besogne. Moi je ne fais pas grand-chose, le pays est trop joli, le soleil trop clair, l'air trop doux. Je me promène.
      J'ai trouvé Hervé absolument fou, sans une lueur de raison et ne nous laissant guère un espoir de guérison, ce que ma mère ignore. Les deux heures que j'ai passées avec lui à l'asile de Bron ont été terribles, car il m'a fort bien reconnu, il a pleuré, il m'a embrassé cent fois, et il voulait partir, tout en divaguant. Ma mère de son côté ne peut plus marcher et ne parle plus guère ; vous voyez que tout cela ne va pas.
      Adieu, ma chère Cousine, je vous baise les mains bien affectueusement, et je serre très cordialement celles de Louis.

      GUY DE MAUPASSANT

      1 Maupassant faisait une croisière sur les côtes italiennes n'ayant à bord du Bel-Ami que son valet de chambre François, et ses deux matelots, Bernard et Raymond.

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